Les Trois Lumières Fritz Lang / 1921

Aux abords d’une petite ville, la Mort, sous les apparences d’un étranger au visage grave et triste, monte dans la diligence d’un jeune couple amoureux.

Quelques spoilers.

Quelques mots sur ce joli petit film, qui nous arrive tout restauré… Les Trois lumières surprend d’abord parce qu’il présente un schéma étonnamment proche d’un autre film semi-expressionniste, Le Cabinet des figures de cires (Paul Leni, 1924), avec lequel il partage le concept de trois histoires et de leurs contrées lointaines (en explorant, entre autres, l’imagerie des milles et une nuits), autour d’un couple unique chaque fois réincarné en de nouveaux personnages, joués par les mêmes acteurs.

Le film de Lang s’avère plus réussi que celui de son collègue, mais s’apprécie surtout pour son caractère d’œuvre de jeunesse : il semble se tenir à mi-chemin entre le plaisir ludique d’une direction artistique foisonnante et généreuse (effets, jeux de lumières, fantasmes exotiques – voir, par exemple, la manière dont une chaotique forêt de bambous répond aux longues griffes d’un empereur-insecte), et d’autre part le Fritz Lang mathématicien, qui déjà théorise le mal, la mort, et l’amour avec la froide rigueur d’une équation.

Ce Lang logique resplendit d’un éclat nouveau et inhabituel, pris qu’il est dans cette diégèse si pleine qui est tout son contraire, et qui semble bien loin de la sécheresse de sa filmographie future… Au-delà de quelques images mentales (ce mur géant, aux côtés du cimetière villageois), et des manifestations éparses d’une fatalité glaciale (le combat aveugle à l’épée), c’est surtout la dernière partie qui voit l’impassible sévérité de Lang pénétrer le film, quand la peinture charmante d’une jolie romance se transforme en soif de mise à mort, et que l’amour prend un ton implacablement fanatique. La logique fleurit alors en un étrange et doux happy end mathématique : trois compagnons, moins la mort, égale un couple, dont résulte l’équilibre retrouvé d’une aiguille droite frappant minuit… Des merveilles visuelles à la pureté logique d’une forme géométrique, ce sympathique film semble avoir résumé toute la filmographie de son cinéaste.

Destiny à l’international, Der müde Tod en VO.

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