Des tops, des tops, des tops ! 2023

Je sais bien qu’il est désormais coutume de se mesurer et de se comparer les tops dès début novembre, mais que voulez-vous je suis lent. Ayant pris ces premiers jours de janvier pour rattraper mes derniers films de 2023, voici donc la bête !

 

2023

Pour la première fois depuis très longtemps, je ne suis pas loin d’avoir vu le principal de “ce qu’il y avait à voir” cette année en salles. J’en suis tout chose. Cet investissement inhabituel est plutôt bien tombé, le cinéma français nous ayant offert une cuvée exceptionnellement qualitative, tout comme la sélection cannoise (qui squatte mes tops une fois encore, le festival est clairement devenu l’une de mes principales boussoles).

Passé le film de Rohrwacher, qui a tardivement offert un chef-d’œuvre à 2023, le reste de mes visions a surtout consisté en une somme de très bons films, pas toujours parfaits mais tous motivants à leur façon (au point que j’ai du mal à les départager – il y en a 14 en tout ci-dessous). C’est le plaisir des films à concept et des propositions marquées qui domine, doublé d’un plaisir visuel fréquent1. Même les blockbusters (d’Oppenheimer aux Trois mousquetaires), ou les films d’auteur mainstream (Wes Anderson, Martin Scorsese…) se sont révélés plaisants et d’un niveau tout à fait honnête.

Bref, par bien des façons, cette décennie 2020 bien entamée s’annonce pour moi plus riche et motivante que la précédente, même si j’ai toujours un peu de mal à comprendre où tout cela va.

 

1. La Chimère
Alice Rohrwacher

 





2ex. Désordres • Cyril Schäublin
Le Retour des hirondelles • Li Ruijun
Banel & Adama • Ramata-Toulaye Sy
La Passion de Dodin Bouffant • Trần Anh Hùng
Reality • Tina Satter

 

3. Le Règne animal
Thomas Cailley

Je ne sais où classer ce film, qui est un cas assez retors pour moi. Il m’a énormément ému à la première vision, il a un ton qui n’appartient qu’à lui, et son alchimie enfin atteinte entre cinéma d’auteur et cinéma populaire en fait une pierre rare. Mais j’ai aussi, en le revoyant pour le travail, été gêné d’un grand nombre de ficelles et de complaisances questionnant les limites de ce plaisir premier… Bref, je ne sais plus trop quoi en penser, mais j’ai la certitude que ce n’est pas qu’une “tentative de cinéma de genre” de plus et que ce film sera important, d’une manière ou d’une autre, pour la suite du cinéma français.

 

4. Anatomie d’une chute
Justine Triet

 


5ex. Yannick • Quentin Dupieux
Winter Break • Alexander Payne
L’Eden • Andrés Ramírez Pulido
Conann • Bertrand Mandico
Le Garçon et le héron • Hayao Miyazaki
Chien de la casse • Jean-Baptiste Durand

 

Ainsi que (pas loin derrière) Aftersun, La Beauté du geste, Linda veut du poulet, Le Procès Goldman, Les Filles d’Olfa, Misanthrope, La Fille de son père, et un tas d’autres films tout à fait honorables.

Assidu ou pas, il reste une flopée de films que j’aurais aimé voir parmi les sorties 2023… Parmi ceux que je me mords les doigts d’avoir raté, et que je rattraperai sans doute, citons notamment Simple comme Sylvain, Voyages en Italie, Mars Express, La Montagne, Le Créateur, ou encore Un petit frère. Ainsi que beaucoup de films-devoirs-à-faire que j’ai laissés traîner, qu’il faudrait voir mais pour lesquels je continue de traîner des pieds (N’attendez pas trop de la fin du monde, Nos Soleils, Beau is Afraid, Le Gang des bois du temple, Un Prince, De Humani Corporis Fabrica, How to Have sex…)

Bref, même dans le cadre de cette année où j’ai été exceptionnellement assidu en salles, il me reste beaucoup trop de “films à voir” pour ne pas relativiser l’intérêt d’essayer de suivre au taquet tout ce que les sorties nationales ont à offrir de valable, dans le simple but de rester à la page.

Pas que la presse et ses recommandations aient été spécialement mal avisées cette année : passées quelques incompréhensions profondes (et surtout profondément chiantes : Fermer les yeux, Venez voir…), elle m’a souvent guidé vers de bons films. Mais il reste qu’approcher les sorties actuelles comme on le ferait des sorties patrimoine, c’est-à-dire simplement en y allant en cas d’envie ou de curiosité, et non par angoisse de rater quelque chose d’important de l’actualité, serait sans doute un rapport plus sain à tout ce barnum. On s’y essayera !

 
 

Pas 2023

Comme l’an passé, mes visions patrimoine se sont surtout faites en salles, avec les limitations que cela implique (corpus majoritairement occidental, rarement antérieur aux années 50, et principalement fictionnel), même si les ressorties de films noirs mexicains et la précieuse Fondation Pathé-Seydoux ont aidé à contrebalancer cet état de fait. Mon assiduité inhabituelle pour les sorties 2023, par ailleurs, m’a laissé moins de temps pour voir beaucoup de films anciens.

Ce fut assez, néanmoins, pour pouvoir en sortir un top 10 enthousiaste, dominé par un film éblouissant découvert au début de l’an passé – et que rien n’est venu déloger ensuite. Top avec une petite triche aussi, puisque s’y loge un quatuor de films muets (sortis avec à peine trois années d’écart) que je n’ai pas su départager. Ce sont quatre films chacun limités par un “plafond de verre” ou un défaut majeur (le symbolisme froid chez Sjöström, les limites normées du bon divertissement chez Worsley, un montage anarchique chez Eggert, ou l’orgie de cartons chez Sandberg), mais ce fut malgré tout quatre délicieuses séances.

 

1. L’Âme sœur
Fredi M. Murer / 1985

 

2. Charulata
Satyajit Ray / 1964

 

3. Pas de deux
Norman McLaren / 1968

 

4. Une aube différente
Julio Bracho / 1943

 

5. Le Samouraï
Jean-Pierre Melville / 1967

 

6. Le Fils de la jument blanche
Marcell Jankovics / 1981

 




7ex. He Who Gets Slapped • Victor Sjöström / 1924
Notre-Dame de Paris • Wallace Worsley / 1923
Les Noces de l’ours • Konstantin Eggert / 1926
The House of Shadows • A.W. Sandberg / 1924

 

8. Jibaro
Alberto Mielgo / 2022

 

9. La Petite Lise
Jean Grémillon / 1931

 

10. Silent Voice
Reka Valerik / 2000

 

Suivi de pas très loin, et sans ordre, par Travolta et moi (Patricia Mazuy, 1994), Élégie de la traversée (Alexandre Sokourov, 2001), Distant voices, still lives (Terence Davies, 1998), Les Baliseurs du désert (Nacer Khémir, 1984), Le fantôme de l’opéra (Rupert Julian, 1925), Pinocchio (Guillermo del Toro, 2022), Le Convoi (Sam Peckinpah, 1978), La Victime (Basil Dearden, 1961), A Petal (Jang Sun-Woo, 1996), et Le Portrait de Dorian Gray (Albert Lewin, 1945).

Ainsi que par plein d’autres films intéressants qui font somme toute de 2023 une année cinéphile plutôt riche, à défaut d’avoir été très curieuse et variée !

 

Vous aurez enfin peut-être remarqué que pas mal des titres de films ici cités n’ont pas encore leur critique. On arrive en effet à un stade où travailler sur les publications de ce blog me motive tellement peu que j’ai plus de 60 brouillons en attente d’être transformés en publications lisibles… Autant dire qu’on y sera encore l’année prochaine pour les seuls textes des films vus en 2023.

On approche d’un point limite donc, ayant de plus en plus de mal à consacrer des heures à peaufiner des textes pour qu’ils soient présentables (exercice qui n’a jamais été pour moi un plaisir – je n’ai pas une âme littéraire). Je cherche donc, sans trop la trouver pour l’instant, une manière ou une plateforme me permettant de parler des films de manière plus informelle et immédiate, pour que cela redevienne un plaisir et une motivation à leur visionnage, et non la promesse d’une longue et fastidieuse corvée (letterboxd, possible piste, ne me servant pour l’instant qu’à recopier les textes déjà publiés ici). D’ici là, je continuerai, autant que faire ce peu, de remplir lentement ce blog.

Bonne année à tous !

 
 

Notes

1 • Est-ce parce que le numérique est enfin sorti de ses premières années ingrates ? Cette année 2023 a en tout cas été pour moi un festin de chef-ops, tant pour les films explorant les amples possibilités du numérique actuel que pour ceux simulant brillamment la pellicule. Je retiens notamment le travail merveilleux de Jeanne Lapoirie (L’île rouge), de Jonathan Ricquebourg (La Passion de Dodin Bouffant), de Patrick Ghiringhelli (Le Procès Goldman), d’Amine Berrada (Banel & Adama), d’Eigil Bryld (Winter Break) de Francesco Di Giacomo (L’enlèvement), et celui – pas forcément fin, mais si enthousiaste – de Simone D’Arcangelo (Les Colons).

Réactions sur “Des tops, des tops, des tops ! 2023

  1. bonjour Tom,
    bonne année 2024.
    Je suis curieux pour La chimère et Le samouraï. Si tu peux écrire quelques mots, sans te prendre la tête sur des critiques très structurée et détaillées…

  2. Hello Christophe, bonne année ! Désolé de te répondre en retard, les notifs de commentaires atterrissent dans mes spams…

    C’est compliqué pour “La Chimère”, film sur lequel j’ai des difficultés à poser des mots (il faudra bien pourtant). Le coup de foudre tient d’abord une question de style je crois, la sensation de plans d’une liberté totale, jamais comme les déclinaisons attendues ou déduites d’un découpage (j’ai lu “plans comme des herbes folles” quelque part, c’est tout-à-fait ça). Le film a un côté composite très proche du pillage qu’il décrit justement, sans que le côté Felliniesque-forain possible lourdingue de la troupe prenne le dessus, c’est au contraire traversé d’un beau lyrisme macabre (un perso, au fond, qui est mieux avec les morts) très touchant. J’ai trouvé ça en total état de grâce.

    Pour “Le samouraï”, c’est plus simplement l’impression d’un système Melville arrivé à un certain stade de jusqu’au-boutisme et de perfection, avec cette description assez touchante de la solitude comme mode de vie pathologique, dans lequel on se réfugie, qui me semble annoncer notre monde contemporain, et qui dit peut-être un peu de l’univers mental dépressif de son cinéaste.

    J’essaierai d’en parler mieux ici-bas, mais là à chaud c’est un peu foutraque ! Un petit top de ton côté quelque part ?

  3. Merci !

    Je n’avais pas fait de top. Puisque tu me le demandes, c’est l’occasion de le composer:

    1. West side story (Steven Spielberg)
    Le vase de sable (Yoshitarō Nomura)
    Ecarts de conduite (Penny Marshall)
    La bataille pour notre Ukraine soviétique (Alexandre Dovjenko)
    Un mariage à Boston (Joseph L.Mankiewicz)
    Le serment de Rio Jim (Reginald Barker)
    La vengeance de Jim (William S.Hart)
    Mardi, ça saignera (Hugo Fregonese)
    Thunderhooof (Phil Karlson)
    Phenix city story (Phil Karlson)
    Le glaive de la loi (Victor Sjöström)
    The mystery of the Hindu image (Raoul Walsh)
    Le train va vers l’Est (Youli Raizman)
    Le Dit de la terre sibérienne (Ivan Pyriev)
    Caïn et Abel (Lino Brocka)
    Brutal (Marilou Diaz-Abaya)

  4. Ha oui c’est vrai, ton bon retour sur le Dovjenko m’avait intrigué, à cause de la mauvaise réputation de sa période parlante ! Et je savais pas quel Victor Sjöström méconnu rattraper à la rétro, du coup j’ai pas joué à l’aventurier…

    Plein de trucs que je connais pas à rattraper, c’est cool :)

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