Les Filles d’Olfa Kaouther Ben Hania / 2023

Un jour, les deux aînées d’Olfa, tunisienne et mère de quatre filles, disparaissent. Pour combler leur absence, la réalisatrice convoque des actrices professionnelles..

Légers spoilers.
 

Aux premiers moments du film, le dispositif des Fille d’Olfa, tout élégant qu’il soit, laisse assez dubitatif : créateur de moment cruels et un peu fabriqués que la caméra dévore, il semble n’être que sa propre fin, ne faire spectacle que de lui-même. Néanmoins, ce projet d’exorcisme par la fiction finit par faire ses preuves, en ce qu’il se révèle un formidable moteur à discussions, à échanges, se faisant créateur de distances (reculs ou replongées) avec le passé douloureux, comme on psychanalyserait une famille à ciel ouvert. Il en découle plusieurs moments troublants, comme quand les deux Olfa (la vraie et la fausse), à l’image, réagissent chacune d’une manière différente aux évènements reconstitués devant leurs yeux, comme les deux faces d’une même personne tourmentée (Olfa, ce personnage paradoxal qui s’est rebellée contre le système patriarcal pour mieux le forcer sur ses filles).

Il restera toujours dans l’expérience du film quelque chose des suspicions premières : la caméra comme le montage sont trop avides de capturer ici des larmes, là du conflit ; la musique est trop pressée d’emphaser sur des moments qui appelleraient plus de pudeur (pudeur qu’on retrouvera ici plutôt dans l’élégance feutrée des dispositif visuels) ; et quand les images de JT sensationnalistes, à musique tonitruante et “moments chocs”, s’invitent sur le tard dans la continuité, la facilité avec laquelle elles se fondent dans le montage du film interroge sur la nature des leviers que celui-ci utilise.

Les Filles d’Olfa reste un documentaire passionnant et rempli de grands moments, mais n’arrive ainsi pas tout à fait à se départir d’une petite impression de confusion – à l’image de celle qu’on ressent en voyant mère et fille rire en évoquant des scènes atroces de violence familiale, qu’elles ont vécues d’un bout et de l’autre du bâton. Que l’ensemble finisse sur les lourds sabots de l’émotion familiale et sur le gros plan d’une enfant (quand bien même celle-ci symbolise toutes les questions de reproduction sociale ayant agité le film) nous laisse au sortir de la salle avec un sentiment mitigé en bouche.

 

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