Olavi, fils d’un riche fermier, multiplie les conquêtes féminines. Ses parents lui refusant d’épouser une servante, il quitte le foyer, et devient flotteur de bois vagabond.
Quelques spoilers.
Les quelques films qui nous arrivent de la période classique finlandaise dessinent les contours d’un cinéma au sang froid.
Si Le Chant de la fleur écarlate témoigne de racines muettes encore sensibles (visages longuement scrutés et très maquillés, larges plages musicales sans dialogue), son étrangeté tient surtout à la distance dont il fait preuve, qui rentre comme en dissonance avec le lyrisme du mélodrame. L’acteur par exemple, sourire de Joker et regard reptilien, image trop brutalement la pulsion sexuelle pour pouvoir soutenir l’identification. La musique, qui épanche ses violons sur des scènes n’ayant pas toujours préparé notre adhésion, se fait quelque peu acide. Et le classicisme de ces années (sa légère abstraction, sa décence dans la représentation) doit gérer la frontalité d’images et de mots contradictoires avec sa manière (l’allaitement plein cadre, la nudité appuyée, l’attirance sexuelle verbalisée), créant d’étranges tiraillements… Rapidement, les parents sont écartés du récit, et plus rien dans le film ne vient faire écran à la sexualité saillante du héros : la course effrénée de son désir (le scénario ellipsé s’impatiente lui-même de ces amantes de passage) dialogue alors à égalité avec l’immensité d’une nature stérile (eaux froides, cieux purs aux nuages blancs, troncs coupés : le chant sélectif des éléments romantise moins les mœurs qu’il n’en souligne la crudité).
Apogée de ce face à face, les scènes de rapides (qui ne sont pas sans rappeler celles du Johan de Mauritz Stiller) sont peu convaincantes : bien que spectaculaires, ces passages s’éternisent en tours de forces déconnectés du récit, et finissent par perdre de leur pouvoir allégorique. Sur ce plan, Teuvo Tulio a d’ailleurs trop souvent la main lourde : au-delà de percées symboliques insistantes (et de leurs expérimentations pas toujours heureuses), le spectacle fasciné du désir devient le moyen d’une seconde partie pénitente, au propos appuyé. Si le sordide qui en émane est intriguant (prenant en quelque sorte le relais, dans la peinture du vice, d’un érotisme latent), on aurait aimé en partager la vision autrement que par ces tirades moralistes et didactiques (par ailleurs assez maladroites dans leurs velléités féministes). Il reste que le film n’y perd rien de son étrangeté : voir ces visages glacés (le grand vampire lisse, l’épouse-Athéna impassible) s’attendrir sur un poupon, intégrer l’imagerie familiale et chrétienne sans avoir tout à fait perdu de leur froideur, suffit à rappeler ce qui rend ce mélodrame si singulier.
Laulu tulipunaisesta kukasta en VO.
Merci Tom pour ce très bon texte sur un film d’un cinéaste que je ne connais que de nom.
Heeeeey mais comment tu m’as retrouvé toi ?
Merci merci, content de te voir inaugurer les commentaires de ce blog ! J’espère n’avoir pas survendu ce film : je suis comme toujours un peu démuni face à ces cinématographies que je ne connais pas, ne sachant pas ce qui tient du trait culturel ou du parti-pris (qu’est-ce qui ne dit pas, par exemple, que le visage reptilien de l’acteur est simplement le canon de beauté local…). Texte à prendre avec des pincettes donc.
je t’ai retrouvé grâce à ta bienveillance à mon égard.
Non, tu n’as pas survendu ce film. Je peux te dire que tu ne m’as guère donné envie de le voir tant l’idée que l’on peut s’en faire à ta lecture est précise (ce pour quoi je trouve ton texte “très bon”) et peu séduisante (ça a l’air bien chiant).
Héhé… Non pas chiant, je ne dirais pas ça – à partir du moment où c’est un film obnubilé par le sexe, ça ne peut pas totalement l’être !
Bon, Lourcelles en faisant des gorges chaudes (“sommet du cinéma européen des années 30”) dans la nouvelle édition de son dictionnaire, je viens de lancer le téléchargement. J’arbitrerai entre vous deux.
Il m’apprend aussi que c’est adapté du même roman que Johan. Ceci explique donc cela.
Ha j’avais pas rêvé la ressemblance ! “Johan” est quand même carrément mieux… Après, même si mon souvenir est lointain (déjà 7 ans, la vache), je n’ai pas forcément une mauvaise image du film, de souvenir il a pas mal de bizarreries, notamment dans son côté très sexué. Mais c’était plus “intriguant” que réellement engageant, pour ce dont je me rappelle.
Tu me diras !
Bon, mon avis est plus proche du tien que celui Lourcelles dont l’exigence critique semble s’être quelque peu émoussé. Il escamote des défauts par trop évidents. Quand il parle de “synthèse entre le muet et le parlant”, c’est une belle acrobatie rhétorique pour désigner un retard de dix ans de retard par rapport aux cinématographiques occidentales.
Le film de Stiller est mieux, c’est sûr.
D’ailleurs, le film de Stiller, ce n’est pas Johan mais Le chant de la fleur écarlate alias Dans les remous.
Ha tiens bizarre je l’avais sous ce titre (peut-être le titre anglais ?).
Bien content en tout cas de ne pas avoir halluciné le côté très moyen de ce film, face auquel je restais prudent… J’ai jamais retenté de Teuvo Tulio après ça (même si je l’ai croisé dans d’autres films comme acteur), mais si tu te sens le courage de jouer l’explorateur là-dessus !
Johan est un autre film de Stiller, ultérieur.
J’ai parlé des deux sur mon blog