Enquête sur la sexualité Pier Paolo Pasolini / 1964

Micro à la main, le cinéaste Pier Paolo Pasolini parcourt l’Italie du sud au nord pour sonder les idées et les mots de ses compatriotes sur la sexualité.

 

Il faut moins d’une minute pour comprendre que voir des gens des années 60 parler directement et crûment de sexualité sera absolument addictif, tant la distorsion est violente entre leurs réponses bizarrement sincères (d’autant plus quand le caméra va filmer les classes populaires), entre le poids moral de la société dont ils se font les inconscient émissaires, et la timidité à parler crûment d’une chose alors encore relativement tue (c’est cela dit un aspect que le film nous apprend : tue, la sexualité ne l’était alors pas tant que ça).

On est vraiment ici de plein pied dans ce qui fait la force vitale du cinéma direct, ce cinéma qui captait alors quelque chose de fondamentalement brut, encore vierge de la conscience parasite de ce que peuvent être, pour les quidams croisés dans la rue, les codes attendus d’un témoignage pour caméra de télévision. L’Italie semble terriblement vivante à l’image, dans ces paroles qui fusent de tous côtés au sein de groupes qui s’agglutinent (énergie redoublée par un montage souvent très – voire trop – effréné). Face à une matière si fascinante, si pure, les quelques inserts intellectuels des spécialistes interrogés sur le sujet paraissent misérables, détestables même par la manière dont le film les place en commentaire et en surplomb, leur demandant de réfléchir de loin la parole populaire, comme si ce monde intellectuel n’était pas lui-même concerné par le sujet qu’on discute (par ailleurs leur discours, qui radote les marottes du monde intellectuel de l’époque, paraît aujourd’hui assez vide et normé).

Pasolini lui-même, en Monsieur Loyal de ce regard analytique (il met souvent en avant ce qu’il appelle son “enquête”, certes non sans ironie), est l’élément le plus déplaisant de toute l’affaire : cadenassant d’emblée les problématiques des milieux qu’ils aborde (notamment par ce réflexe daté de tout passer au rouleau compresseur des grilles de lecture marxistes ou de la libération sexuelle), collectant les réponses comme pour un sondage ou un zapping sans laisser les gens développer ou même s’expliquer quand ils le souhaitent, distribuant en direct les bons et mauvais points pour qui n’a pas parlé comme il l’aimerait… Évidemment, c’est à mettre en perspective avec le fait que sans lui, sans sa démarche et son projet, cette parole n’existerait pas ; et donc que cette parole, au-delà des détails, il l’encourage et la permet avant tout. Il reste que le personnage Pasolini ressort bizarrement peu grandi de ce film qui fonctionne presque malgré son cinéaste.

Comizi d’amore en VO.

Réactions sur “Enquête sur la sexualité Pier Paolo Pasolini / 1964

  1. Pas forcément d’accord avec toi sur Pasolini, dont je trouve la curiosité presque candide assez rafraîchissante, malgré en effet des présupposés marxistes (mais qui ne l’empêchent pas d’écouter), mais content que ça t’ait plus. C’est une de mes plus belles découvertes de ces dernières années.

  2. Ha mais je sais bien, c’est justement sur ton retour que j’ai décidé d’y aller (en devant choisir parmi les ressorties Pasolini de cet été – j’aimerais bien rattraper “Mamma Roma” aussi, le reste un peu la flemme).

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