Divergente Neil Burger / 2014

Tris vit dans un monde post-apocalyptique où la société est divisée en cinq clans. À 16 ans, elle doit choisir son appartenance pour le reste de sa vie. Mais son test d’aptitude n’est pas concluant : elle se découvre “divergente”, ces individus rares qui ne se conforment à aucun clan, et qui sont traqués par le gouvernement…

Quelques spoilers.
 

De la saga Divergente (l’un des avatars de la mouvance young adult qui traversait Hollywood dans les années 2010), je n’avais vu par hasard que le troisième épisode, assez nul, ennuyeux, et symptomatique de diverses impuissances du Hollywood contemporain (avis partagé semble-t-il par le casting comme par le public, au point que la suite de la franchise a tout simplement été annulée).

Ce premier épisode de la série, de la main d’un autre réalisateur (Neil Burger) et s’offrant une situation gorgée d’enjeux, se révèle un film déjà plus convaincant, plus rythmé, et surtout bien plus ludique dans les situations qu’il peut explorer (système coloré des factions, passages de relais visuels entre les différentes scènes de visions, tests et épreuves en tous genres). Cela ne change rien au fait que le film repose tout entier sur des ressorts d’une grossièreté outrée, que ce soit du côté des leviers émotionnels sur lesquels on appuie pataudement (manichéisme et injustices), ou des enjeux comme toujours trop maousses (supprimons d’un coup un cinquième de la population).

Mais c’est surtout la grossièreté de l’univers fasciste à combattre qui pose problème : le fait, plus précisément, que cette grossièreté soit volontaire, un moyen facile de faire de la résistance des personnages une affaire qui va de soi. Il y a quelque chose d’assez hypocrite en effet, dans tout ce cinéma young adult, à constamment renvoyer en miroir au public-cible adolescent le reflet flatteur du rebelle ou du révolutionnaire se levant contre un monde d’adultes castrateurs, alors que la révolte en question est d’un degré politique sub-zéro (« sois toi-même », aka le slogan de n’importe quelle pub pour jeans), et que l’ensemble baigne dans toutes les conventions calibrées et marketées de l’ancien monde (bellâtre tout muscles et protecteur compris). Le côté totalement générique de la direction artistique, investissant une énième fois les hangars désaffectés et leur imagerie urbaine anonyme, trahit à sa manière le manque de sens réel de cette dystopie qui peine à résonner avec notre monde réel et ses enjeux (sinon en surface par l’écho des décors reconnaissables de Chicago – petit jeu qui témoigne, certes, d’une louable intention de filmer des décors en dur).

Tout cela étant dit, ce schématisme généralisé fait que l’efficacité et le ludisme du film sont réels, rendant son succès compréhensible (à condition de fermer les yeux sur pas mal de kitscheries, notamment ces “Audacieux” qui ne se déplacent qu’en faisant du parkour en ridicules petits segments dansés).

À noter que la chose ne prend plus dès le deuxième épisode (Divergente 2 : l’insurrection), que j’ai aussi découvert à l’occasion. Réalisé par Robert Schwentkel (qui sera aussi le cinéaste de l’épisode 3), c’est un film à la mise en scène moins solide et moins consciente, se perdant dans les innombrables incohérences et allers-retours de son récit, empilant les segments disparates et les décors sans réelle unité ni ligne droite, sinon celle de la culpabilité de son héroïne. La niaiserie politique de l’ensemble, comme la transparence du personnage masculin, y apparaissent alors plus crûment… Après Le Labyrinthe (Wes Ball, 2014), on constate surtout une marotte du young adult dans cette idée que le monde des jeunes n’est qu’un sujet d’expérience des adultes, et qu’un ailleurs est à aller conquérir par-delà ses frontières. Et il est frappant alors de voir combien ces sagas se démantibulent dès que leurs personnages sortent de leur univers fasciste bien pratique à stimuler l’indignation : par-delà les murs à abattre, les films se font alors errance, comme soudain mis devant leur propre vide – le vide d’un cinéma qui sous ses leviers complaisants (jeunes contre vieux) n’a aucun projet ni utopie politique concrète, et n’a de fait pas grand-chose à dire.

Divergent en VO.

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