Simone Barbès ou la vertu Marie-Claude Treilhou / 1980

Simone Barbès « comme Barbès » est ouvreuse dans un cinéma porno…

Quelques spoilers.
 

“Redécouverte” récente ayant bénéficié cet été d’une nouvelle sortie en salles, Simone Barbès ou la vertu est un curieux triptyque accompagnant son héroïne au travers de trois moments très différents (que ce soit en termes de situations, de peuplement de l’image, de rythme, de nature des échanges…) – moments entre lesquels on essaie instinctivement de trouver un lien (autre que celui, linéaire, du suivi d’une même soirée), un peu comme on s’interroge sur l’énigme posée par le titre du film. Quelque chose sonne juste, en tout cas, dans le voisinage de ces trois segments qui semblent se répondre et se faire écho en déclinant plusieurs modalités des rapports masculin-féminin, et d’une certaine déshérence affective ou sexuelle, tout en s’engonçant dans la mélancolie du monde de la nuit.

Le problème du film, c’est que chacune de ces trois parties est moins convaincante que la précédente. La première dans le cinéma porno, malgré une interprétation inégale, brille par l’efficacité de son dispositif : une antichambre vide, où « rien ne se passe » sur le plan narratif, l’action advenant hors-champ dans les salles toutes proches, dont les sons porno nous parviennent bruyamment. Cet espace intermédiaire des deux ouvreuses, passionnant en ce que les gens qu’on y croise sont fuyants ou hésitants, confronte de manière presque allégorique un peuple exclusivement masculin au monde des femmes : celui de ces deux “tenancières” qui jouent au commentaire muppet show de la sexualité hasardeuse des hommes qui passent, qu’elles surplombent de leur assurance et de leur autorité, renvoyant les sons masculins dominateurs qu’on entend percer de la salle à une sorte de petit théâtre dérisoire, tant les hommes réels rament face à elles. Toute une faune bigarrée se donne ici à voir, capturée du meilleur endroit possible, dans un dispositif captivant (qui rappelle rétroactivement La Chatte à deux têtes), sans que cette logique de confrontation exclue d’autres rapports avec la gente masculine, plus tendres ou ambigus.

La seconde partie en boîte lesbienne, tout en hésitant entre plusieurs configurations intéressantes (la façon dont on se jalouse et se surveille d’un bout à l’autre de la pièce, le spectacle kitsch devant lequel tout le monde s’arrête…), a plus de mal à inventer un dispositif aussi fort et unifié : la façon dont ce chapitre se rabat in fine sur un rebondissement totalement artificiel (dont on a pour le coup vraiment du mal à comprendre la signification) témoigne de l’échec de l’ensemble de la séquence à se trouver un sens. La dernière partie enfin (la ballade en voiture), jolie sur le papier et touchante de par le jeu démuni du vieil acteur, ressemble tout de même globalement à une longue improvisation qui patine. On peut certes se dire que le film trouve dans ce final, et dans son rythme hasardeux, une image du sentiment de gueule de bois que son dernier plan d’aube semble vouloir suggérer. Mais il est tout de même dommage de voir le film réduire ainsi ses promesses au fur et à mesure qu’il avance.

En l’état, sans être le grand film oublié qu’on nous vend déjà ça-et-là (un film de réalisatrice condamné à l’invisibilité durant des années allait évidemment automatiquement devenir un “trésor perdu”), Simone Barbès ou la vertu n’en reste pas moins un objet singulier, imparfait mais stimulant, cernant précisément le chaos solitaire des années 80 qui débutaient.

 

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