Tire encore si tu peux Giulio Questi / 1967

Un cow-boy métis est fusillé par ses complices, qui ont refusé de partager avec lui l’or qu’ils avaient volé. Soigné par deux indiens, il court après sa vengeance…

Quelques spoilers.
 

Ce western italien, qui malgré son titre anglais n’a rien à voir avec la série Django, doit beaucoup aux perspectives tracées par son ouverture. En débutant son film sur un héros sortant littéralement de terre, là où on l’avait un peu trop vite laissé pour mort et inhumé, Giulio Questi permet une relecture entière du genre et de ses codes habituels : la figure du cow-boy solitaire et mutique, cette icône qui traverse tant de westerns, apparaît soudain comme le résultat silencieux d’un homme revenu d’entre les morts. Son invincibilité tranquille, dans les fusillades, devient celle d’un spectre. Son choix de rester dans la ville mortifère se lit comme une sorte de damnation de l’au-delà qu’il doit expier jusqu’au bout…

L’autre idée phare du film est de pousser à bout l’un des traits du western italien : celui d’une conquête de l’ouest où rien ni personne n’est à sauver. Une idée ici formulée sous les traits d’un village reculé, qu’on pourrait associer aux bourgades isolées des films d’horreur de la même époque, dans lesquels des héros égarés rencontrent une communauté de cannibales ou de dégénérés. Ici c’est toute une ville qui, sous le patronage d’un homme d’église pervers, a soif de lynchage et qui court après l’or, telle une armée de zombies. Sur ce plan, le film, qui a choqué le monde à sa sortie par sa violence, fait aujourd’hui un peu petits bras : le tableau d’horreur des lieux se résume pour l’essentiel à une population cynique et grimaçante, et il faut vraiment quelques images fortes et traumatiques (le blessé tué parce qu’on y met les doigts pour récupérer l’or, le scalp, la profanation du cimetière, le métal fondu…) pour rappeler le projet profond que le film s’était initialement donné (à savoir celui de peindre un monde condamné, par l’accouplement du western et du film d’horreur).

Au-delà de ces quelques petits passages inspirés, Tire encore si tu peux bénéficie surtout de ses nombreuses étrangetés, qui le colorent de tonalité nouvelles. L’homosexualité ambiante, par exemple : beaucoup de critiques, à ce sujet, se focalisent sur la congrégation d’hommes en noirs suivant le méchant du film, et sur le jeune adolescent qu’ils vont violer (c’est plus que suggéré) lors d’une scène orgiaque. Mais l’homo-érotisme du film va bien au-delà de cela : il existe aussi dans la manière de présenter cet adolescent justement, que le cinéaste filme comme il filmerait une fille, visage éthéré et cils délicats, rêvant de partir avec le beau cow-boy ; ou par ces nombreux torses nus masculins qui parcourent le film, jusqu’à cette scène de torture en culotte qu’on pourrait croire sortie d’un pinky violence japonais, si le genre s’était d’aventure intéressé aux garçons. Cela se sent encore plus simplement par le désintérêt flagrant du film pour les deux femmes qu’il compte, autour d’un héros d’abord choisi pour sa belle gueule…

On pourrait encore parler, au rayon des bizarreries, de cette femme enfermée, qui du haut de sa tour cloîtrée semble tout droit sortir d’un conte ou d’un film fantastique. Ou encore, autre touche étrange, celle de ces deux indiens, figures bizarres posées au beau milieu des décors du drame, et qui sembleront pourtant longtemps totalement extérieurs aux évènements et aux risques, n’intervenant que comme un chœur narratif qui interroge çà et là le héros sur ses motivations morales. Ils forment une sorte de duo à la douceur fatiguée, qui perdurera jusque dans la mise à mort de l’un d’eux, qui résiste à peine.

Ces multiples manières qu’a le film de faire résonner autrement les sempiternels duels et tueries du genre, font que malgré ses manques flagrants (un scénario à trous régulièrement invraisemblable, des effets de montage poussifs, des personnages peu attachants…), Tire encore si tu peux apparaît bien moins sec que le western spaghetti lambda – ou du moins que l’image que j’en ai, car je dois avouer que c’est un genre que je connais bien mal.

Se sei vivo, spara en VO.
Django Kill… If You Live, Shoot ! en anglais.

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