Suzume Makoto Shinkai / 2022

Suzume, une jeune fille de 17 ans, rencontre un jeune homme qui voyage à la recherche d’une mystérieux passage. Décidant de le suivre dans les montagnes, elle découvre une porte délabrée trônant au milieu des ruines…

Légers spoilers.
 

On pourrait désormais résumer tout l’enjeu du cinéma de Makoto Shinkai ainsi : comment continuer à déployer pleinement les visions cosmiques qui font sa patte (ce mariage d’émois adolescents aux accents kawaï, et de visions apocalyptiques aux ciels immenses), sans pour autant noyer ses projets sous le kitsch qui sert de véhicule à cette double imagerie – kitsch qui s’étale encore ici dès les premières secondes, avec ces respirations outrées ?

Comme dans Your Name, Shinkai contient sa pente niaiseuse par la tenaille d’un récit extrêmement dense, construit comme une fuite en avant (l’évènement à mi-film pourrait très bien en être le climax, et le scénario semble pouvoir continuer sans fin). Ses péripéties multiples et emmêlées empêchent la vacuité latente du style (chaise qui parle, chaton, flares…) de phagocyter le projet d’ensemble, quand bien même cet équilibre est difficile à tenir : les acmées sont toujours trop surlignées, les élans manquent de grâce, et le ridicule menace constamment le film, exactement comme ce dieu du chaos que les personnages doivent contenir à chaque seconde.

Cependant, Suzume a l’avantage d’une vraie pesanteur : celle de digérer et sublimer le traumatisme des multiples séismes ayant frappé le pays (ainsi que son récent tsunami), en leur inventant une mythologie et une forme. Sur ce point, Shinkai fait mouche (la compilation des souvenirs de futurs morts se souhaitant bonne journée, par exemple, est une idée qui puise dans une blessure nationale réelle, pas dans des envies de maniérisme). La manière dont la fugue du personnage permet une sorte d’état des lieux du Japon, fait de multiples rencontres avec son peuple, donne aussi au film sa profondeur.

Shinkai restera toujours un peu bloqué par sa matière première : par son héros ténébreux et cliché à faire peur, par des motifs comiques ou romantiques éculés, prévisibles partout… Mais il arrive bon an mal an à tenir son cap, et à produire un cinéma populaire capable de se mesurer à celui de l’âge d’or des années 90 (Si tu tends l’oreille est d’ailleurs ici explicitement référencé), quand bien même il n’en aura jamais la maîtrise, la maturité, ou la stabilité. Il a pour lui, cependant, la vivacité et la jeunesse – jeunesse japonaise à qui il offre ici un film catastrophe étonnamment optimiste et vitaliste.

Suzume no Tojimari en VO.

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