Le Robot sauvage Chris Sanders / 2024

L’unité robotique ROZZUM 7134, alias “Roz”, a fait naufrage sur une île déserte. Elle va devoir apprendre à s’adapter à cet environnement hostile, en nouant petit à petit des relations avec les animaux de l’île…

Légers spoilers.
 

Devant les toutes premières images réalisées par IA, on était encore aisément dupés. Tout paraissait à sa place, mais un je ne sais-quoi mettait mal à l’aise. Puis en regardant mieux, on les voyait : ces mains à 7 doigts, ces figurants fusionnant à l’arrière-plan, la bouillie d’un décor mélangeant tout et n’importe quoi… Se révélait alors, à nos yeux pas encore habitués à la chose, une manière de concevoir la création qui ne partait pas de la source (avoir quelque chose à dire, puis en déduire des formes), mais qui en imitait seulement les traits de surface à l’aveugle, bégayant l’apparence avec assez de probabilité pour “sonner” comme le réel, quand bien même la machine ne comprenait rien à ce qu’elle montrait.

Et bien c’est un peu le sentiment que donne ce Robot sauvage : la normalisation terminale du cinéma d’animation 3D familial ne s’y exprime plus seulement par un académisme de la mise en œuvre – scénario programmatique, personnages convenus (énième figure d’ado geek socialement inadapté), arcs scénaristiques poliment dépliés, sidekicks cyniques, enjeux surverbalisés et surexplicités… Cela passe aussi désormais, et presque davantage, par une imitation “par la surface” de ce que le public vient chercher devant ces films. Des groupes de personnages se tombent dans les bras sans qu’on sache trop comment, une scène de dialogue se métamorphose en course-poursuite sans raison véritable, la musique décrète soudain un lyrisme Powellien sur des passages à peine préparés ou mérités… « Vous êtes la seule oie qui a été polie avec nous » dit-on à un personnage qu’on n’a jamais vu. « Je sais que vous me détestez tous » dit le renard qu’on n’a pas vu spécialement haï… Qu’importe, ça cadre avec ce qu’on attend du récit d’un tel film, le studio produisant des moments et des formes s’approchant d’un air assez connu pour qu’on ne se pose pas de questions.

Alors certes, le cœur émotionnel du cinéma de Sanders, dont on reconnaît ici bien la patte (monstres et altérité du comportement, inadaptés qui s’apprivoisent, affects à nu) donne au film un brin de personnalité. Mais cette émotion semble ici moins tenir à un souci des personnages qu’à une envie de retrouver directement les émotions éculées qui y sont associés (humanisation des insensibles, combat collectif contre les injustices, utopie Disneyenne d’animaux-peluches blottis tous ensemble) sans trop se soucier de savoir comment y arriver. Tout droit au résultat. En ressort le sentiment d’un film zombie, comme réalisé par un algorithme, qui en évitant sciemment les versants cruels de son sujet (l’utopie, forcément passagère, d’animaux qui se mangent tous) échoue à parler sérieusement aux enfants, pour ne faire que remplir son rôle de doudou pour adultes.

The Wild Robot en VO.

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