Alice Guy – I / Premières années (1897-1905) I / Premières années (1897-1905)

I / Premières années (1886-1905)
II / L’âge d’or chez Gaumont (1906-1907)
 

 

Du cinéma des tout premiers temps, Alice Guy et Ferdinand Zecca sont deux noms dont j’ai longtemps évité les films : les quelques courts que j’avais vus d’eux, et plus généralement ceux des studios dont ils supervisaient la production (Gaumont pour Alice Guy, Pathé pour Ferdinand Zecca), ne me semblaient pas franchement briller par une forte identité en ces années 1900. La popularité grandissante d’Alice Guy néanmoins, ces dernières années, a permis une réédition conséquente de son œuvre : me retrouvant soudain avec plus d’une centaine de ses films entre les mains, et disposant d’une numérotation d’époque me permettant de les visionner à peu près dans l’ordre de leur création, j’ai sauté sur l’occasion pour me confronter plus sérieusement à sa filmographie.

Alice Guy vers 1895

Alice Guy, comme on le sait, fut d’abord la secrétaire de Léon Gaumont. Présente avec lui à la séance Lumière privée du 22 mars 1895 (plusieurs mois avant la première séance officielle, donc), elle perçoit immédiatement dans cette invention un potentiel de fiction – quand son patron, obnubilé de technique, envisage seulement les films comme un moyen de faire la démo des appareils de prise de vue qu’il commercialise (se satisfaisant très bien, de ce fait, de vues documentaires). Guy convainc Gaumont de la laisser réaliser une vue comique, ce qu’il accepte tant que cela n’empiète pas sur ses heures de travail : son premier essai (La fée au choux) étant un succès, bientôt suivi d’autres, Alice Guy prend la charge dans l’entreprise d’un service spécialisé dans les films de fiction (qu’elle dirigera jusqu’à son départ aux USA, en 1907). Avec des moyens encore limités, elle y déploie alors une production diverse, nourrie de l’imagerie des cartes postales et des dessins satiriques d’alors, du théâtre et du Grand-Guignol, ou encore des numéros de café-concert (entre bien d’autres choses).

On aimerait évidemment n’aborder ces films que sous le pur angle critique, ou auteuriste. Mais chercher des informations sur Alice Guy, en 2024, équivaut à poser le pied dans un ouragan de polémiques. Ne serait-ce que pour l’épineuse question des attributions, qui ont rarement laissé de trace écrite : Alice Guy réalise certes de nombreux films chez Gaumont, mais elle dirige aussi plus généralement tout le département fiction du studio – c’est-à-dire qu’elle supervise les scénarios, les décors, choisit les techniciens, les opérateurs, même pour les films qu’elle ne met pas elle-même en scène (à une époque de fabrication de groupe où la séparation stricte des métiers et des rôles n’est par ailleurs pas aussi tranchée qu’aujourd’hui). Étudier « la manière d’Alice Guy », c’est donc avant tout décrire le style des deux sociétés de production dont elle a supervisé les créations (Gaumont en France, puis la Solax aux USA) et dont elle a façonné les codes, au-delà de sa filmographie personnelle dont les contours exacts resteront toujours sujets à caution.

Le plateau compliqué des ateliers de Belleville (une terrasse désaffectée avec verrière donnant sur un terrain vague, et où le sol bitumé empêchait la construction de décors), où Alice Guy tourna les premières années – ce qui explique, peut-être, son goût précoce pour les tournages en extérieurs.
L’équipe d’Alice Guy lors d’un tournage à Fontainebleau, en 1904

Cette question de l’attribution des films, en ce qu’elle va conforter ou minorer le statut pionnier d’Alice Guy dans l’histoire du cinéma1, est aussi au centre d’un conflit entre deux visions pareillement outrancières de ce qu’a été sa carrière. La première, essentiellement médiatique, irrite en ce qu’elle se fout du cinéma premier et de ses cinéastes dont elle ignore tout, mais tient pourtant mordicus à faire d’Alice Guy une figure tout juste “redécouverte” et prioritaire de la période, à coups de symboles féministes creux – notamment dans cette obsession à en faire la réalisatrice de la première fiction, contre toute évidence (L’arroseur arrosé n’est pourtant pas un film spécialement obscur, même auprès du grand public)2. Ayant culminé dans le documentaire sensationnaliste Be natural (dont les effets rhétoriques fallacieux, comme la propension à faire mine d’ignorer tout travail historien pré-existant, ont fait grincer des dents3), cette mouvance qui bégaye l’autobiographie de la cinéaste sans lui apposer le moindre recul, qui fantasme l’invisibilité des films, et qui continue encore à titrer sur une réalisatrice “inconnue” alors qu’aucun nom de la période ne bénéficie aujourd’hui d’autant d’articles de presse, a au moins eu un avantage concret : doper les publications sur Alice Guy, et rééditer un grand nombre de ses films en blu-ray.

En face, tout aussi agaçant, se tient un monde cinéphile crispé dans le déni de l’invisibilisation dont Alice Guy a historiquement fait l’objet. Certes, les réalisateurs de l’époque ignorés du grand public sont foison : Alice Guy n’est pas la seule cinéaste d’alors à avoir été oubliée, et encore moins la seule à avoir été délaissée (on rappellera que Méliès, tout célèbre qu’il soit, a été retrouvé sur le tard vendeur de jouets dans une gare…). Néanmoins, quand dans la “Notice rétrospective sur Les Établissements Gaumont” que la société publie en 1935, la cinéaste qui en a dirigé la production les onze premières années n’est même pas mentionnée, il est permis d’être dubitatif4. De même qu’il est difficile de ne pas interroger le fait que le président de Gaumont dans les années 70 (Daniel Toscan du Plantier), interviewé à son sujet, ne connaisse même pas son nom5… Le long et laborieux travail historien de réhabilitation d’Alice Guy, qui court des erreurs méthodologiques de Sadoul (1947) à la Contre-histoire de Lacassin (1972), puis qui connaît un saut à la publication posthume de son autobiographie (1976), jusqu’à la monographie de Victor Bachy (1993) et au travail de fond d’Alison McMahan (2002), fut aussi et par ailleurs un combat féministe. Ce qui semble avoir artificiellement arcbouté le monde cinéphile et ses institutions – dont la réticence et les suspicions culminèrent avec cette conférence à la cinémathèque française, en 2010 (la première que le lieu consacrait alors à la cinéaste), au titre plus que symptomatique : « Alice Guy a-t-elle existé ? »6.

Bien qu’ayant lu un peu de tous les côtés à ce propos, je n’ai évidemment pas les compétences d’historien pour prétendre trancher quoi que ce soit sur le sujet. On peut néanmoins se mettre d’accord sur une évidence : la personne ayant supervisé la production (et réalisé la plupart des films) de ce qui était alors la deuxième plus grande société de production au monde, ne peut être qu’une figure centrale des premières années du cinéma.

Alice Guy modèle d’une publicité Gaumont : dans les premières années, la vente d’appareils reste la priorité de la firme, qui met un temps à réaliser l’importance que prend son département fiction.

Ce constat étant posé, qu’en est-il des films eux-mêmes ? L’un des arguments avancés pour prouver l’invisibilisation d’Alice Guy, dès les années 70, fut de la comparer à Méliès – qui a lui aussi débuté en 1896, et qui lui aussi s’était spécialisé dans la fiction. Pourquoi, alors, aurait-on retenu Georges Méliès, et pas Alice Guy ? Sur ce point, s’il faut vraiment poser un regard critique sur ces œuvres, autant être franc, c’est-à-dire un peu brutal : la différence qualitative entre Guy et Méliès, sur la période 1897-1905, relève du fossé. Que ce soit en termes de rythme, de rigueur scénographique, de clarté narrative, de richesse formelle, ou de qualité des effets, la production Gaumont apparaît alors bien fade et inégale comparée aux pépites que la Star Films égrène avec régularité.

Mais au-delà de la pertinence discutable de tels jugements critiques sur une période qui, chez Gaumont, consiste pour beaucoup en des captations et restitutions de numéros préexistants (une période où c’est le sujet qui fait film, pour le dire autrement), mettre ainsi en parallèle ces deux carrières n’a pas vraiment de sens.

Déjà parce qu’on ne compare pas leurs âges d’or : quand la filmographie d’Alice Guy, vers 1906, prendra du coffre pour évoluer vers les prémices d’un découpage classique, la carrière de Méliès, au contraire, semblera alors stagner dans une esthétique en tableaux qu’il refuse de remettre en question – c’est lui, à ce moment, qui semble un cinéaste plus secondaire et en retard.

Ensuite, bien qu’on soit tentés de mettre ces deux cinéastes sous la même étiquette “fiction”, ils ne courent pas vraiment après la même chose : on pourrait dire schématiquement que si Méliès a d’abord vu dans le cinématographe une nouvelle forme d’illusionnisme, Alice Guy (dont le père était libraire, et qui finira sa vie autrice) y a surtout vu une extension des histoires littéraires qu’elle affectionnait7 – en atteste d’ailleurs à partir de 1906 l’indexation progressive de ses films sur la perception d’un personnage choisi faisant fil rouge8 (quand bien même la mise en scène ne travaille pas encore littéralement à en épouser le point de vue). Même dans ses films à effets, le trucage ne sera pas toujours central, mais plutôt l’outil d’un récit plus large duquel il est au service (voir par exemple La Charité du prestidigitateur) ; et si la dimension baroque du cinéma de Méliès (gaver le film d’idées tant qu’on peut en offrir) est assurément impressionnante, elle est moins un critère objectif de qualité qu’une singularité de son cinéma, Alice Guy se montrant quant à elle plus préoccupée d’équilibre et de justesse.

Alice Guy (au centre), mirée en garçon pour un rôle avec ses amies Yvonne et Germaine Serrand, sur le tournage de Sage-femme de première classe (1901)

La période 1897-1905, pour Alice Guy, reste donc fondamentalement ingrate d’un point de vue cinéphile, et est d’abord à regarder comme un chantier en cours (notamment technique, comme en témoignent ses nombreuses phonoscènes). C’est une période faite de films inaboutis, mais ne manquant pas d’originalités, et d’où émergent déjà ça et là quelques traits propres à son cinéma (le goût du tournage en extérieur et pour un jeu d’acteur plus réaliste, la solidité de compositions visuelles fonctionnant sur la durée, le caractère malicieux de récits à la fantaisie crue, les jeux avec le genre sexué…), quand bien même tout cela ne se manifeste encore qu’à l’état de bribes. Surtout, il se constitue durant ces premières années quelque chose qui existera par-delà le cinéma d’Alice Guy (bien qu’y prenant racine), à savoir l’esthétique Gaumont : un soin des décors, de la scénographie, des cadres, qui peu à peu creuse la distance avec la production quantitative et plus foutraque du concurrent Pathé.

 


Attention, les notules qui suivent spoilerisent allègrement les films ! Les titres soulignés correspondent aux films que j’ai personnellement trouvés les meilleurs. La numérotation correspond à celle du catalogue Gaumont9 (les numéros précédés d’un p correspondent eux à la nomenclature des phonoscènes).


 
 
 
 

Le Pêcheur dans le torrent

1897 (#b3)

Un pêcheur est tranquillement installé sur un rocher au milieu de la cascade d’un torrent quand surgit un groupe de jeunes gens en maillot de bain…

De la première séance du cinématographe10, L’arroseur arrosé est la seule vue qui pouvait donner l’idée ou l’envie de filmer des fictions (Alice Guy en fera d’ailleurs un remake, durant cette même année 1897). C’est sans doute logique, alors, que Le Pêcheur dans le torrent, l’un de ses premiers films, en reprenne le principe narratif, à savoir des enfants faisant une blague à un adulte qui finit trempé. Le cadre y apparaît déjà étonnamment bien pensé (composition plaçant le pêcheur non pas automatiquement au centre mais plutôt à l’avant, avec une “menace” se profilant par l’arrière-plan…). Cependant la progression est peu construite, se résumant à une bagarre un peu brouillonne qui ne sait plus trop où aller une fois le pêcheur tombé à l’eau.

 
 

Baignade dans le torrent

1897 (#b20)

Cinq jeunes gens en maillot de bain accompagnés d’un chien évoluent de rocher en rocher dans la cascade d’un torrent.

Sans doute tournée dans la foulée (même décor, mêmes adolescents), cette vue documentaire est remarquable. Là encore sa composition, pourtant peu picturale quand l’image est à l’arrêt, brille une fois le film mis en mouvement : l’angle en contrebas met particulièrement bien en valeur le mouvement vivace de l’eau et du torrent qui déferlent, contrebalancé par les lentes hésitations horizontales des garçons qui le traversent (cela évoque un peu la façon dont, dans L’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat, les petits mouvements latéraux multiples des passagers contrebalançaient le puissant mouvement avant du train). Cette vision pictorialiste, innocente, et presque hédoniste de jeunes gens qui jouent semi-nus, se mêle à la brutalité toute documentaire de ce qui touche à l’animal (sa peur, la cruauté des jeunes gens qui le balancent à la flotte…). Bref, volontairement ou non, ce petit film est dans le haut du panier des vues documentaires primitives.

 
 

Danse serpentine par Mme. Bob Walter

1897 (#250)

Une émule de Loïe Fuller interprète une danse serpentine.

Une danse serpentine tout ce qu’il y a de plus classique pour la période, qui se démarque néanmoins légèrement par son côté espiègle et énergique (la danseuse rit, sautille, donne de grands coups de bras brusques) – les autres films du genre ayant habituellement plutôt tendance à souligner le caractère fluide et évanescent de la danse.

 
 

Les Cambrioleurs

1898 (#116)

Des gendarmes s’aventurent sur les toits d’une demeure où un cambriolage est commis…

L’idée de décor de ce court (cet espace labyrinthique en profondeur tout en blocs encastrés) est excellente : une sorte d’imbrication ludique, semi-réaliste, de toits enchevêtrés aux multiples entrées et sorties. Cet aspect vaudrait à lui seul de regarder le film… si celui-ci n’était pas la copie exacte (au point qu’on se demande si le décor n’est pas littéralement le même) de Poursuite sur les toits, film Lumière réalisé la même année par Georges Hatot. Que ce soit dans l’original ou le remake, le problème reste de toute façon le même : celui d’un terrain de jeu mal exploité à l’image, par une gestuelle brouillonne déjà, mais aussi par une progression dramatique assez confuse (pas de situation initiale, on passe un long moment à identifier qui est qui, ou qui fait quoi). Le film reste quoiqu’il en soit un témoignage parlant de la façon dont Alice Guy, dans ses tous premiers films, faisait ses gammes et apprenait le métier en reproduisant les fictions Lumière, tout en commençant parallèlement à écrire ses propres scénarios.

 
 

Surprise d’une maison au petit jour
(Épisode de la guerre de 1870)

1898 (#129)

Reconstitution d’un épisode de la guerre de 1870 relatant une échauffourée entre un détachement de l’armée prussienne et des militaires français autour de l’occupation d’une maison.

Comme souvent dans ces premières années d’Alice Guy, le choix de cadre est presque plus fort que le film : peu séduisant au premier abord, le plan permet au final de bien mettre en jeu les différents éléments qui s’y reconfigurent, recréant de nouvelles compositions en son sein (notamment cette armada de fusils levés de la fin). La mollesse des gestes et du jeu (les acteurs n’y croient visiblement pas une seconde), tout comme la sécheresse dramatique (c’est une attaque, point) empêchent pour le reste le film de décoller.

 
 

L’Aveugle fin de siècle

1898 (#139)

Assis sur un banc, un “aveugle” mendie et vérifie au passage les pièces qu’on lui donne…

Pas sûr d’avoir tout saisi du contexte de ce petit film comique, notamment ce qui est censé y être “fin de siècle” (le fait que les aveugles seraient tous des charlatans ?), ni le sens de cet écriteau “aveugle par nécessité” que le personnage porte sur lui. L’ensemble est soigné (toiles peintes, costumes, jeu) mais assez morne, et pas spécialement drôle. On retrouve néanmoins là l’irrévérence sociale propre aux débuts du cinéma premier (tout comme cette présence surprenante, en fin de prise, des rires enthousiastes de la troupe d’acteurs).

 
 

Chez le magnétiseur

1898 (#146)

Une dame se présente chez un magnétiseur pour se faire soigner…

Un court un peu confus et pas toujours compréhensible (l’arrivée soudaine du gendarme, plus artificielle encore que dans un vaudeville), présentant des effets d’escamotage de vêtements et de changements d’apparence, dans la lignée des premiers films de Méliès (qui avait commencé à user du procédé en 1896, même s’il est probable que tous les cinéastes primitifs découvrent cet effet plus ou moins en même temps). On notera tout de même la lubricité qui déjà s’invite dans le cinéma d’Alice Guy (l’hypnotiseur usant de la séance pour déshabiller sa patiente, le policier qui en redemande), et l’étrangeté de faire jouer ici le personnage féminin par un homme travesti – alors que le court jumeau qui suit (Scène d’escamotage, #148) aura lui une femme pour actrice. Peut-être était-ce là une condition pour montrer le personnage en sous-vêtements à l’écran ; ou plus simplement la première occurrence d’un goût pour l’ambiguïté de genre, dont la filmographie française d’Alice Guy se montrera très friande.

 
 

Scène d’escamotage

1898 (#148)

Un magicien invite sa partenaire à s’allonger sur un confortable divan…

Tourné semble-t-il en même temps que Chez le magnétiseur (c’est le même décor théâtral), voici un autre film de transformations par cuts, aux effets acceptables mais pas particulièrement brillants. Passé le choix de substituer un singe à l’élégante jeune bourgeoise (ce qui confère au film un petit parfum d’irrévérence), le résultat est pépère et très inféodé à son modèle scénique (adresses au public du magicien et salut final).

 
 

Au cabaret

1899 (#229)

À la terrasse d’un cabaret, une partie de cartes bien arrosée vire à la dispute…

Une scène banale de partie de cartes dans un café en extérieur (le mot “cabaret” désignant alors encore tout établissement de boisson), qui finit par dégénérer en combat. Rien à signaler, sinon un angle de prise de vue oblique un peu surprenant, en ce qu’il n’est alors pas la norme, ainsi qu’un éventuel propos sur les méfaits de l’alcool qui serait la cause de cette bagarre (le film s’ouvre en effet sur le fait d’amener une bouteille, et affiche très clairement à l’écran un panneau “Vins Liqueurs”).

 
 

La Bonne absinthe

1899 (#248)

Un client arrive à la terrasse d’un café et passe sa commande. Absorbé par la lecture d’un journal, il verse par mégarde l’eau dans son chapeau au lieu de diluer l’absinthe…

Un autre film un peu handicapé par sa difficulté à bien mettre en valeur les moments-clés du récit (ici le moment où le jeune homme remet son chapeau plein d’eau sur la tête, geste aux conséquences quasi-invisibles à l’image). Il n’est cela dit pas anodin qu’Alice Guy préfère déjà ici, à la clarté du geste, une sorte d’emballement-catastrophe et purement énergique (le genre de fuites en avant que ses derniers films Gaumont exploiteront à plein). Le cadre est ce qu’on retient ici de plus intéressant, et il fait toute la singularité du film : sa partie droite est en effet uniquement occupée par un duo de clients qui arrivent, et qui n’ont d’autre utilité que d’être le relai de ce que nous voyons (désignant l’erreur que fait le jeune homme moustachu, et attendant le moment où il va boire l’absinthe non diluée, pour en rire de bon cœur ensuite). On leur demande d’ailleurs manifestement de continuer à rire, alors qu’ils ne savent plus quoi faire et interrogent la caméra de l’œil… Une idée du hors-champ s’invite alors peu à peu dans le film (le hors-champ de ce qui pourrait continuer à faire rire ces clients dans l’espace qu’on devine à gauche de l’image, souligné par l’allée et venue qu’y font les enfants), rendant ce petit film assez précurseur.

 
 

Chapellerie et charcuterie mécaniques

1900 (#316)

Deux hommes font la démonstration d’une machine dans laquelle on introduit des chats vivants, un peu de sel, d’eau, et des ingrédients divers et variés…

Un film dont il me semble avoir déjà vu des précurseurs (Charcuterie mecanique, Lumière, 1896), tout comme des plagiats ultérieurs (Dog Factory de Edwin S. Porter, en 1904)… Ce film résonne cela dit particulièrement bien avec le futur cinéma d’Alice Guy, en ce qu’il en souligne un trait qui sera chez elle de plus en plus saillant, à savoir une fantaisie joyeuse qui n’en passe pas seulement par la féérie, mais qui se caractérise aussi par une certaine crudité (le chat vivant dont on tire des saucisses). Dommage que le film et son gag ne soient pas tout à fait lisibles (que met-on exactement dans la machine pour en tirer des chapeaux, pourquoi des chapeaux et des saucisses en même temps…) – et que, faute de temps peut-être, ce film très pressé ne va pas plus loin sur le plan comique que la pure démonstration de l’appareil.

 
 

Avenue de l’Opéra

1900 (#317)

Une vue de l’avenue de l’Opéra à Paris projetée à l’envers.

On peut à la limite se dire que le lieu et le cadre ne sont pas mal choisis (permettant de créer un trouble de par le fouillis et la petite taille des passants et des calèches, qui font qu’on met un petit temps avant de remarquer que le film est en vitesse inversée). Mais c’est vraiment aller chercher avec les dents un intérêt à cette expérimentation primitive lambda…

 
 

Chez le photographe

1900 (#327)

Un homme portant un énorme pot de fleurs se présente chez un photographe de rue pour se faire immortaliser…

Un autre remake de film Lumière (Photographe, 1895) – et un film qu’on devine cher au cœur des opérateurs, puisqu’il met en scène un client irritant incapable de rester immobile pour la prise photographique… Comme toujours le cadre est bien pensé, mais on reste un peu bloqué par l’absence de développement dramatique ou comique (qui ne trouve pas d’issue plus singulière et spécialisée à ce petit jeu qu’une banale bagarre) – un défaut décidément courant dans ces premières années chez Gaumont.

 
 

Au bal de Flore

1900 (#338)

Enregistrement d’une danse par Mesdemoiselles Lally et Julyett de l’Olympia.

Une captation colorée, qui serait tout ce qu’il y a de plus banal (danse pas particulièrement remarquable, décor minimal, cadre par défaut…) s’il n’y avait ce travestissement d’une des deux partenaires, dont les gestes de séduction surjoués donnent au film un fort sous-texte lesbien. C’est l’une des premières manifestations de ces petites audaces crypto-sexuelles, et toujours étonnamment joyeuses, qui parcourront le cinéma d’Alice Guy.

 
 

Danse serpentine de Mme. Ondine dans la cage aux fauves

1900 (#356 ?)

Un dresseur de lions, dans la cage aux fauves, fait soudain rentrer Mme. Ondine…

En 1900, plusieurs danses serpentines ont déjà été filmées, y compris par Alice Guy elle-même (et ce n’est pas fini, vu qu’elle en tournera encore une autre en 1902). Est-ce la raison pour laquelle la cinéaste a besoin de renouveler l’exercice, en déployant ces moyens démesurés ? Car passé le numéro de cirque qui constitue toute la première moitié du film, la seconde partie met surtout en scène la réticence palpable d’une danseuse restant souvent à droite du cadre, et exécutant sa danse en vitesse, comme pressée d’en finir. Moment que choisissent d’ailleurs les lions pour disparaître dans l’obscurité, rendant la cohabitation souhaitée à l’image encore plus maladroite… Bref, un court bizarre à la violence latente – et avec pour curiosité principale cette vache, dans la première moitié du film, à la place que prendra ensuite la danseuse : l’image d’une proie dont on défie les lions de s’approcher, certes, mais le parallèle laisse tout de même songeur…

 
 

Les Fredaines de Pierrette

1900 (#359)

Pantomime dansée avec un Pierrot et un Arlequin féminins.

Dans la lignée du Bal de Flore, voici un autre film de théâtre au sous-texte lesbien, plus intéressant au sens où il fait narration de son travestissement, dans une progression dramatique qui ajuste le rapport que le spectateur a avec : la séduction de “Pierrette” passe en effet d’abord pour un simple gag, sa partenaire y étant réticente ; mais, jouant ensuite à la jolie demoiselle flattée face à son miroir, l’héroïne finit par accepter de danser avec Arlequine – c’est-à-dire toujours Pierrette, juste transformée et travestie –, concluant sur un baiser féminin de plein gré. On a pour une fois chez Alice Guy une vraie fin, subversive et joyeuse, quand bien même les péripéties et rebondissements qui y mènent sont assez obscurs (du fait aussi, semble-t-il, qu’on n’a là qu’un fragment du film originel). À noter également que malgré le caractère très abîmé de la copie, ses couleurs vivaces sont superbes.

 
 

Danse des saisons · L’Hiver, danse de la neige

1900 (#370)

Des quatre saisons enregistrées, ne subsiste plus à ce jour qu’un fragment de l’Hiver, danse de la neige, vraisemblablement relatif à la fin de cette danse puisqu’on voit la danseuse saluer le public.

Un autre exemple de la série de captations de music-hall faites en cette année 1900. À part juger de la danse elle-même, pas spécialement jolie mais se démarquant par ses quelques mimes frigorifiés, il n’y a pas grand-chose à dire du film, qui lui adjoint simplement un décor soigné. On notera l’amusant petit panneau “Elgé” (pour les initiales de Léon Gaumont, histoire d’empêcher le piratage des films), qui apparaît puis disparaît soudainement en cours de film dans un coin de l’image, comme un gag de cartoon.

 
 

La Concierge

1900 (#383)

Un monsieur se renseigne auprès d’une concierge sur le prix d’une location…

On a encore une fois un peu de mal à comprendre certains ressorts narratifs de ce gag filmé (notamment la raison qui pousse l’homme à revenir)… Le court se démarque néanmoins par une particularité déjà vue chez Alice Guy : les rires finaux devant le gag achevé, que ce soit de l’actrice jouant la concierge (qui a visiblement du mal à se retenir), des enfants qui reviennent dans le cadre… ou même d’acteurs qu’on n’avait pas vus jusqu’ici, figures extra-diégétiques (la cour avait jusqu’ici l’air vide), et qui viennent s’esclaffer autour de la méprise, telle une extension du public.

 
 

Chirurgie fin de siècle

1900 (#397)

Les deux assistants d’un chirurgien endorment un patient à l’éther. Le chirurgien se livre alors à une véritable boucherie…

Encore un titre en « fin de siècle », expression ambiguë (qu’on retrouvera aussi chez Méliès) dont on ne sait bien si elle entend désigner la pointe technique du progrès, ou le déclin civilisationnel d’une époque jugée dégénérescente… Un peu des deux semble-t-il, l’opération comico-gore relevant ici à la fois du film d’horreur (membres cisaillés en tous sens à l’aide d’outils artisanaux, amputations hasardeuses, figure incongrue de médecin immense), et en même temps d’un rafistolage miraculeux, ludique et “magique”, tel qu’un enfant pourrait le concevoir. Un côté absurde souligné par cette poupée de chiffon peu réaliste (on a du mal, vu le soin habituel des productions Gaumont, à y voir une simple maladresse)… Ce film, le premier que je vois d’Alice Guy à dépasser les deux minutes, se permet enfin un développement narratif un peu plus riche, avec un plan pensé pour fonctionner en plusieurs étapes (alors que le début du film, avec son action resserrée et peu lisible à droite, pouvait sembler maladroite). Notons enfin la présence à l’écran, pour tous les textes écrits dans le décor, d’une traduction doublon en anglais, signe d’une distribution internationale déjà à l’œuvre en 1900.

 
 

La Fée aux choux

1901 (#379)

Dans un jardin, une fée salue le public et se penche sur d’immenses choux… (aussi titré La Naissance des enfants)

Quel film bizarre… Cet objet de toutes les passions concernant Alice Guy (la datation et le caractère pionnier de sa carrière en dépendent) est semble-t-il le remake d’une première version, perdue, tournée en 1896 (et qui constituait le tout premier film de la cinéaste). Cette version-ci illustre une idée simple (les enfants naissent dans les choux), via une actrice reprenant à son compte les codes des nombreuses danses qu’Alice Guy a filmées les années précédentes (centralité du corps, gestes étudiés et gracieux, belle robe). Cette douceur lente au grand sourire mielleux est contrebalancée par la violence de ces bébés réels, nus et hurlant, qu’on dépose à même la terre – jusqu’à virer à une imagerie uncanny valley quand c’est une poupée qu’on sort des choux (comme si le spectateur n’était pas capable de faire la différence). La qualité involontaire de ce film vient donc de cette inquiétante étrangeté qui sourde sous l’imagerie typique de carte postale, redoublant cette impression de féérie crue, littérale et sans pincettes, propre à la cinéaste.

 
 

Sage-femme de première classe

1901 (#626)

Un jeune couple s’approche d’une boutique pour le moins singulière où l’on y vend des bébés…

C’est le premier film d’Alice Guy (du moins dans ceux édités) qui comprend deux tableaux. L’ensemble se présente comme une extension ou un remake amélioré de La Fée aux choux, dont il reprend (au-delà du concept) toutes les étrangetés : ces nourrissons hurlant traités comme des objets, ce mélange bizarre entre poupées et vrais bébés, sous les sourires candides et l’enrobage de fable pour enfants… Le film par ailleurs, où se réinvite le travestissement par habit de théâtre (le “mari” est en meunier11, la femme a un chapeau de fée), vient compléter la série des films lesbiens costumés de la cinéaste, à qui il invente un aboutissement familial. Passée l’intro un peu longue (et comme souvent pas très compréhensible, avec cette longue discussion bord cadre), le film est donc une accumulation assez heureuse de bizarreries, qui en fait l’un des meilleurs opus de la première période d’Alice Guy. On pourra aussi goûter l’ironie, à l’heure où les réseaux sociaux érigent la cinéaste en icône féministe-progressiste, de voir ce film-GPA littéralement présenter les enfants de couples lesbiens comme des marchandises, et de saupoudrer le tout d’un gag outrageusement raciste…

 
 

Miss Dundee et ses chiens savants

1902 (#544)

Un numéro de chiens savants présenté dans un music-hall parisien par Miss Dundee.

C’est un film de pure captation (d’un numéro préexistant, semble-t-il), et les tours canins en eux-mêmes n’y ont rien de bien palpitant. Pourtant le résultat se laisse apprécier : la composition du cadre (et sa gestion des nuances de gris) est particulièrement bien pensée, fonctionnant sur toute la durée du plan ; le numéro possède en outre une progression dramatique construite (qui manquait alors souvent aux films d’Alice Guy), et un humour bizarre qui se marie bien à la fantaisie habituelle de la cinéaste.

 
 

Miss Lina Esbrard, danseuse cosmopolitaine et serpentine

1902 (#588)

Enregistrement d’une danse serpentine par une émule de Loïe Fuller.

Que veut donc dire ici “danseuse cosmopolitaine” ? Je ne trouve pas d’informations sur Lisa Esbrard (peut-être alors en tournée mondiale ?) qui permettrait de l’expliquer… Le film est une danse serpentine plus efficace (plus fluide, donnant la part belle à l’abstraction de l’étoffe cachant le visage) que celle que Bob Walter avait performé pour la caméra d’Alice Guy quelques années plus tôt – au risque d’un résultat un peu plus banal.

 
 

Intervention malencontreuse

1902 (#636)

Un couple, déjà en train de se disputer, rentre à la maison. Le chapeau de Monsieur est bientôt en morceaux et une manche de l’habit déchirée…

On a là une ébauche de ce qui sera un motif récurrent du cinéma d’Alice Guy : une petite folie, d’abord anodine, grossit peu à peu jusqu’à prendre des proportions absurdes (ici via un couple qui se querelle, et qui finit par tout casser dans l’élan de leur dispute). Malheureusement la chose ne se développe pas assez loin pour que le film puisse vraiment profiter de cette inflation ; il n’est d’ailleurs pas impossible qu’il s’agisse d’un fragment du film originel, tant il semble couper rapidement sur sa fin.

 
 

Comment monsieur prend son bain

1903 (#661)

Un Monsieur se prépare à prendre son bain, mais il a à peine ôté un habit qu’il est aussitôt vêtu d’un autre sorti du néant…

Encore un film dont j’ai le sentiment d’avoir vu de nombreux équivalents (ne serait-ce que les versions qu’en avaient fait George Méliès en 1900, ou Walter R. Booth en 1901). Les transitions sont en tout cas ici parfaitement exécutées, même si le film souffre (une fois encore) de ne pas dessiner de progression comique ou dramatique à ce postulat, ne sachant pas trop comment exagérer son effet au-delà de sa simple réitération.

 
 

Faust et Méphistophélès

1903 (#708)

Évocation de différents tableaux de l’opéra Faust de Charles Gounod, créé à Paris le 19 mars 1859.

Première adaptation littéraire “sérieuse” des films édités d’Alice Guy, ce court d’une grande ambition (multiples changements de décors et de personnages, s’enchaînant en cascade) est un exemple frappant de la façon dont bon nombre de films primitifs n’étaient pas narrativement autonomes : sans référent précis à l’histoire de Faust (ou pour qui, comme moi, n’en connaît que les grandes lignes), on n’y comprend strictement rien. Le style du film, par sa profusion gourmande de décors et d’effets, par l’imagerie diabolique aussi, évoque très fort la manière de Méliès (qui fera une version équivalente de Faust en 1904, après un premier Faust aux enfers assez différent en 1903). Alice Guy, qui sut si souvent utiliser les effets avec équilibre et parcimonie, semble ici patiner dans une accumulation de trucages enchaînés façon gavage, sans élan, et que rien ne structure – comme si elle imitait sans conviction une manière qui n’est pas la sienne. La maladresse des effets d’escamotage (gestes mal coupés, décor changeant trop pour conserver un fil de continuité) altère leur efficacité poétique… Bref, l’argent est à l’écran, mais le film est assez fondamentalement raté.

 
 

La Charité du prestidigitateur

1905 (#1155)

Un prestidigitateur est pris de pitié pour un mendiant croisé au coin d’une rue…

Une fable morale, ce qui peut étonner de la part d’Alice Guy qui, jusque-là (et comme une grande partie du cinéma des tout débuts d’ailleurs), ne semblait pas vouloir investir ce champ : peut-être est-ce un signe du cinéma bourgeois qui peu à peu arrive (l’homme à la rue ne méritant manifestement pas la charité qu’il demande, démonstration à l’appui). Le film est en tout cas convaincant, clair et ludique dans son principe, et parsemé d’effets de substitution pour la plupart réussis (l’apparition du garçon serveur, notamment).

 
 

Clown, chien et ballon

1905 (#1302)

Sur la place d’un village, un clown joue au ballon avec un chien…

Une captation de numéro canin sans intérêt, surtout marquée par les efforts de l’homme (pas vraiment un clown, d’ailleurs) pour conserver le ballon en question dans le champ du cadre.

 
 

Les Maçons

1905 (#1306)

Deux policemen passent à proximité d’un échafaudage sur lequel travaillent des maçons…

Se présentant comme un numéro de comiques-acrobates (les O’Mers, jeune troupe anglaise avec qui Alice Guy a réalisé plusieurs films et dit avoir beaucoup aimé travailler), ce slapstick avant l’heure a du potentiel : tout l’espace du cadre y est exploité, y compris sa hauteur et sa profondeur, voire même un peu son hors-champ (l’homme qui disparaît derrière une porte à droite, les policiers trimballés hors-scène à certains moments). Généreuse en gags et en cascades, la troupe tient visiblement à optimiser chaque seconde de pellicule. Et c’est un peu à leur détriment car le film, pourtant d’abord plutôt clair (du fait aussi de ses personnages distingués par leurs costumes noirs et blancs), se fait progressivement hystérique et surchargé, comme par peur d’ennuyer, et devient bientôt trop confus pour bien mettre en valeur ses différents gags (dont certains sont pourtant assez spectaculaires) : on retient plutôt un pugilat de signes brouillons, où l’œil ne sait plus vraiment quoi suivre. Il faut dire, cependant, que l’état de la copie n’aide pas à y voir autre chose qu’un grand foutoir…

 
 

La Statue

1905 (#1308)

Un clown blanc veut montrer à un Auguste la merveille qu’il a découverte : une statue animée…

Un numéro de clowns pas drôle (pléonasme), et étonnamment long (quand tant d’autres films d’alors semblent courir après le temps). Le principe immobilité / mouvement de la statue a bien quelque chose d’un peu ludique, et le contraste de tons (entre ce corps tout blanc et hiératique, et ces deux corps plus sombres et agités) n’est pas sans efficacité. Mais ce n’est pas assez pour rehausser l’intérêt de péripéties assez aléatoires (et parfois un peu confuses). On notera une tentation du hors-champ, qui semble décidément gratouiller le cinéma d’Alice Guy en ces premières années (ces coups que la victime croit donnés par un coupable hors-cadre, où son regard l’y cherche en vain).

 
 

Espagne

1905 (de #1371 à #1384)

Sous ce titre, le coffret DVD Gaumont réunit plusieurs vues documentaires réalisées par Alice Guy lors d’un voyage espagnol, assistée de son opérateur Anatole Thiberville.

Madrid : Puerta del Sol est une vue de rue intéressante, en ce qu’elle consiste en un panoramique imperturbable, comme aveugle au chaos des spectateurs qui se reconfigurent devant elle (passants qui suivent le cadre, foule qui s’adapte pour pouvoir rester dans le champ). L’effet produit est singulier et sans équivalent, me semble-t-il, dans le cinéma d’alors (sauf erreur, même chez Mitchell & Kenyon, les panoramiques descriptifs n’avaient ni cette longueur, ni cette implacabilité).

Les trois autres plans de Madrid (Le Prado, Le Palacio de Oriente, Les environs de Madrid) reproduisent le même panoramique à 360° (agrémenté de quelques vues fixes pour le dernier film). Ces trois vues circulaires, cette fois dénuées de passants regardant la caméra, n’ont plus vraiment d’intérêt intrinsèque (tout juste la vue du Prado parvient à quelques jolis effets dansés avec ces trams allant dans le sens contraire du cadre). Mais regardées bout-à-bout (je ne sais pas si c’est ainsi qu’elles étaient projetées), elles produisent un effet saisissant de comparaison, en ce que le strict même plan (un lent panoramique rotatif répété quatre fois) pousse intuitivement à mettre en parallèle ce qu’on voit dans chaque. Le fossé entre le riche Palais au centre-ville, et les environs bidonvilles, apparaît alors criant – au point qu’on se demande s’il n’y a pas là une ironie volontaire.

Le dispositif semble se répéter de manière plus automatique dans les vues suivantes, cela dit non sans petites originalités. À Grenade (deux vues), la réalisatrice apparaît ainsi furtivement à l’image ; à Séville (Guadalquivir), le panoramique accompagne joliment le mouvement des eaux ; et près de Barcelone (Monastère de Montserrat), le mouvement d’appareil lent, filmant de loin, semble faire progressivement apparaître l’immense édifice du calme des montagnes, procurant un sentiment de monumentalité.

Le programme se complète de deux Danses gitanes (même plan, une fois dansée par une enfant, et une fois par une adulte), vues un peu longues et sans un fol intérêt, mais dont le cadre décentré, donnant la part belle au public battant des mains (et donc à une dimension documentaire allant au-delà de la performance), est à noter.

Au final, s’il est dur d’émettre un jugement sur cet ensemble à l’intérêt inégal, les vues documentaires d’Alice Guy semblent, par petites touches, davantage renouveler le genre que s’y conformer… Du fait, peut-être, d’une cinéaste de fiction peu engluée dans les codes documentaires d’alors, et donc capable d’y apporter un regard neuf.

 
 

La Malagueña et le Torero / Le Tango

1905 (#1381 et #1382)

Deux danses filmées dans le patio d’une résidence espagnole.

Filmées lors du voyage espagnol (mais présentées à part dans le coffret DVD Gaumont), ces deux captations de danses locales n’ont rien de particulièrement original (et leur contraste trop fort, pour le premier des deux films notamment, les rendent peu généreuses en détails). Restent les couleurs, discrètes mais jolies, et un cadre plutôt élégant sur Le Tango avec ces musiciens décentrés ; notons aussi la petite surprise de voir le plan, bien que très large, légèrement panoter pour garder les danseurs centrés dans l’image, plutôt que de faire fonctionner le tableau comme une maison fixe.

 
 

Le Cake-walk du Nouveau Cirque

1905 (#p7)

Enregistrement d’un cake-walk donné au Nouveau Cirque de Paris.

Une captation de danse en deux temps (deux danseurs seuls d’abord, puis toute la troupe après un cut). Cake-walk oblige, les deux premiers interprètes sont noirs – la surprise étant de voir des collègues blancs les rejoindre dans la deuxième partie, tous joyeusement mêlés dans la danse. Quel sens a ce numéro en deux parties différentes, façon Harlem shake ? Peut-être faut-il voir là une allusion éclair à l’histoire de la popularité de la danse (son origine noire, puis son succès fulgurant en Europe) ; ou encore une mise en lumière de la gestuelle des maîtres blancs que le cake-walk parodiait (ce fut sa source, chez les esclaves d’Amérique). Plus simplement, il n’y a sans doute rien d’autre à voir dans ce film très court (un simple fragment ?) qu’un témoin du cosmopolitisme du Nouveau cirque…

 
 

Phonoscènes

1905

L’Anatomie du conscrit · Polin (#p136)
Lilas-Blanc · Félix Mayol (#p146)
La Polka des trottins · Félix Mayol (#p149)
À la cabane bambou · Félix Mayol (#p153)
Questions indiscrètes · Félix Mayol (#p164)
Le Vrai Jiu-jitsu · Dranem (#p167)
Five O’Clock Tea · Dranem (#p168)



Chansons restituées via le procédé du Chronophone, permettant la projection synchronisée de l’image et du son.

Une série de phonoscènes tournées en 1905 (Alice Guy en produira plus d’une centaine). Grande lubie technique de Léon Gaumont, elles consistaient à d’abord enregistrer une chanson, puis à la diffuser tout en filmant sur le plateau (où l’interprète s’exécute donc en playback – ce qu’on devine d’ailleurs par le fait que le salut final, à l’image, n’est pas sonorisé), et enfin à projeter et jouer en salles les deux en même temps.

Ces films en soi présentent peu d’intérêt cinématographique : ce sont des enregistrements de chansons du moment (il y eut aussi quelques airs d’opéra), filmées sur scène de théâtre vide devant un décor peint ou un rideau, et où le seul élément visuel à contempler est l’interprète (ce qui, certes, pour certaines chansons comiques, permet d’allier des mimiques et gestuelles à la performance). Dur d’imaginer ce que tout cela donnait en salle (où il devait être difficile de précisément démarrer son et image en même temps) ; mais tel que synchronisé ici, le procédé fonctionne étonnamment bien (Five o’clock tea excepté). Vus depuis notre époque, ces films sont surtout l’occasion de découvrir les voix, les accents, et les intonations de 1905, qu’on a rarement eus à l’oreille – ainsi que d’avoir un aperçu des textes et modes de ces années.

C’est peu de dire que l’univers comique de ces chanteurs, qui tiennent à faire d’eux-mêmes un gag humain (chez Dranem, notamment : physique ingrat, poses grotesques) en se croyant visiblement très malins, n’est pas très ragoûtant. Certaines paroles de chansons, quand on les comprend tout du moins, se démarquent par un humour plus ingénieux (L’Anatomie du conscrit), par leur grivoiserie sage (les chansons de Mayol), ou plus simplement par leur racisme (À la cabane bambou, Le Vrai jiu-Jitsu). Questions indiscrètes a pour particularité d’être une phonoscène colorée, et de bénéficier (peut-être à cause de cela ?) du seul cadre rapproché de la série. On peut, enfin, se surprendre que Félix Mayol ait accueilli avec enthousiasme ces captations filmées (il en fera treize en tout avec Alice Guy) qui mettent tant en valeur la gestuelle efféminée qui lui valait d’innombrables réactions hostiles et médisances à l’époque…

On notera une dernière curiosité : dans Lilas-Blanc, l’entrée en scène semble capturer une fin de phrase du chanteur avant que sa chanson ne débute, ce qui ne cadre pas vraiment avec l’idée d’un tournage en playback. Cela dit, l’interprète ne semble pas vraiment prononcer ces mots à l’image, et il est plus probable que cela tienne à une mauvaise coupe de l’enregistrement sonore initial.

 
 

Saharet, le Boléro

1905 (#p216)

Enregistrement d’un boléro par la danseuse australienne Saharet et une troupe de danseurs en costumes hispanisants.

Les phonoscènes concernaient aussi parfois des numéros dansés – mais on a visiblement plus le son de cette jolie captation colorisée, qui bénéficie grandement de la multiplicité des gestes des danseuses entourant le duo central. Tout le plan est ainsi occupé de mouvements, au point que le cadre en paraisse parfois un peu serré. Quand bien même le décor n’est qu’une plate toile peinte, la belle énergie du plan en fait l’une des meilleures captations dansées d’Alice Guy (se démarquant d’ailleurs aussi par une coupe permettant d’adjoindre à l’ensemble un salut final).

 
 

Le Coq dressé de Cook et Rilly

1905 (#nc)

Un coq, sur un piédestal orné du “G” à la marguerite de la compagnie Gaumont, prend la pose et chante à plusieurs reprises.

Improprement datée de 1910 sur le blu-ray Kino, cette phonoscène est involontairement drôle, en ce qu’on se demande bien ce que sa réalisatrice en espérait : un coq posé au milieu du cadre, dont on attend vainement qu’il fasse du bruit. Entre de longues plages de vide dubitatif, quelques cocoricos viennent percer un silence épais, et l’animal semble autant se demander que nous ce qu’il fait là… Paradoxalement, l’enregistrement en direct de ce “rien” (quelques bruits d’ailes, de vrais silences) est plus fascinant que celui des chansons ; et l’attente gênée (on sent tout un plateau silencieux derrière la caméra) a un côté documentaire plus fort que bien des vues.

Peut-être faut-il voir dans ce ridicule une pique à l’ironie recherchée, en ce qu’il est impossible de ne pas comprendre ce coq posé au-dessus du logo Gaumont comme une référence au grand concurrent d’alors (Pathé), dont cet animal était l’emblème.

 
 
 
 

 
 

Où voir les films ?

Les films d’Alice Guy ont massivement été uploadés sur youtube (peut-être même y compris certains que j’ai pu rater ici) – mais comme d’habitude, je vous déconseille fortement de les découvrir dans une si mauvaise qualité.

Pour ce qui est de la période Gaumont, les courts les plus célèbres ont été édités en blu-ray par Kino : Alice Guy-Blaché Volume 1 : The Gaumont Years. Ces films, accompagnés d’une bonne trentaine de courts complémentaires, sont aussi présents (en moins bonne qualité) sur le très complet coffret DVD Gaumont sorti en 2008 (Gaumont : Le Cinéma premier, 1897 – 1913, Vol. 1), encore trouvable sur certaines boutiques en ligne ou en médiathèque. Attention, deux des films du coffret (Le Pêcheur dans le torrent et Saharet le Boléro) y sont présentés à cadence erronée… Enfin, la Danse serpentine de Mme. Ondine dans la cage aux fauves (1900) est trouvable sur le DVD Retour de flamme vol.3.

Pour avoir essayé avec ou sans, je vous conseille vivement de regarder ces films (les plus courts notamment) sans leur accompagnement musical, qui tend à les surcharger d’informations et à en brouiller la compréhension.

 

Notes

1 / 6 • Une bataille historienne, toujours pas vraiment close, confronte deux interprétations des sources et documents à disposition : certains pensent qu’Alice Guy n’a commencé à tourner qu’en 1900 ou 1902, quand le consensus historien actuel soutient plutôt qu’elle faisait des films dès 1896 (comme elle l’affirmait elle-même). Les arguments de l’hypothèse tardive sont résumés dans une conférence de Maurice Gianati (Alice Guy a-t-elle existé ?, 2010), qui se penche par ailleurs sur l’histoire technique des premières années de la firme Gaumont – je vous conseille néanmoins de plutôt en lire la version écrite, très amplement documentée (présente dans l’ouvrage collectif Alice Guy, Léon Gaumont et les débuts du film sonore, 2012, que Maurice Gianati co-dirige avec Laurent Mannoni).

Parmi les réponses apportées à cette thèse, on peut citer les quelques réserves avancées par Quentin Gille dans un compte-rendu de l’ouvrage publié dans la revue 1895 (n°172-176, 2013, article lisible ici) ; et surtout la contre-argumentation détaillée du blog Plateau Hassard de Pierre Wackherr (qui s’invita d’ailleurs dans les débats sur la datation à privilégier sur la page Wikipédia de la cinéaste).

À noter que le travail de Maurice Gianati, qui entend établir une filmographie “réelle” de la cinéaste sur des critères stricts et des sources primaires, a un autre effet : celui d’une querelle sur le nombre de films directement attribuables à Alice Guy. Gianati aboutit à une filmographie restrictive, se basant uniquement sur les dires et écrits de la cinéaste, d’environ 70 films (hors phonoscènes). Ce qui est bien peu, comparé aux 304 films décomptés par Lacassin en annexe de son autobiographie (1976), puis aux 547 films que dénombre Victor Bachy (1993), et enfin aux 580 films que liste Alison McMahan (2022) – tous attribués à Alice Guy selon des critères plus ambigus, en empilant les nouveaux films sur ceux des listes précédentes, dans une logique inflationniste que Gianati, que l’on soit d’accord ou non avec sa thèse, a raison d’interroger.

2 • La question des premières fois, dans le cinéma primitif, est globalement l’une des plus ineptes et inintéressantes qui soient, tant tout est affaire de définitions… Si l’on tient vraiment à élire une “première fiction”, au-delà du film des frères Lumière donc, on peut aussi remonter à Edison (L’Exécution de Marie, reine des Écossais, reconstitution historique avec costumes et trucage), ou même à Émile Reynaud (si on considère l’animation comme un pionnier cinématographique acceptable). Là où Alice Guy semble réellement avoir été pionnière, c’est plutôt dans la fiction filmée féérique (non réaliste, avec décors et accessoires foisonnants), telle qu’on en retrouvera aussi chez Méliès plus tard dans l’année.

3 • Il s’agit de Be natural, l’histoire cachée d’Alice Guy-Blaché (Pamela B. Green, 2018). On citera notamment à ce sujet l’article de Variety (Jay Weissberg, 2018), assez remonté contre le documentaire et ses procédés. Plus généralement, les différents documentaires télévisés sur Alice Guy semblent avoir servi de base à nombre d’articles de presse – notamment à ceux, tardifs mais très exposés, de Laure Murat (La pellicule invisible d’Alice Guy, Libération, 2019) et d’Emmanuelle Lequeux (Alice Guy : près de 1000 films et cent ans d’oubli, Le Monde, 2019), s’indignant toutes deux de l’invisibilisation de la cinéaste, en commettant certaines omissions ayant fâché le milieu de la recherche. En témoigne un article de réaction courroucé dans la revue 1895, entendant rétablir l’historicité des recherches sur Alice Guy (Les historiens français contre Alice Guy ?, n°88, 2019). Un article du site Non-fiction (Autour d’Alice Guy : sexe, mensonges et omissions ?, Frédéric Cavé, 2019 – article illustré d’une photo de Marie Pickford…) fait une synthèse plus digeste de toutes ces controverses, bien qu’y prenant parti. Il est à noter, enfin, que la plupart des documentaires télévisés sur Alice Guy (dont les affirmations sont donc à prendre avec des pincettes) sont à l’heure où j’écris disponibles en diffusion sur le net (peut-être illégalement ?) : Be Natural donc (Pamela B. Green, 2018), Elle s’appelle Alice Guy (Emmanuelle Gaume, 2017), ou encore Le Jardin oublié, La Vie et l’œuvre d’Alice Guy-Blaché (Marquise Lepage, 1995) qui fut l’un des déclencheurs du regain d’intérêt médiatique contemporain pour la cinéaste.

4 • Il m’a été impossible de consulter directement ce document (Notice rétrospective sur Les Établissements Gaumont 1895-1929), que certains ouvrages datent d’ailleurs plutôt de 1930. Il reste possible, au bénéfice du doute, que ce document ne soit qu’un court bilan économique et technique, et qu’il ne mentionne aucun autre cinéaste de la société – ce qui, à défaut d’être justifié, relativiserait l’idée d’une invisibilisation volontaire et ciblée d’Alice Guy (idée par ailleurs nuancée par le comportement ultérieur de Gaumont, qui travailla avec Guy à une édition revue et corrigée de l’ouvrage, avant que le projet n’avorte au décès du directeur). Louis Gaumont, son fils, se montrera plus actif dans la réhabilitation de la cinéaste, lui consacrant par exemple un discours d’hommage le 8 décembre 1954 à l’Association Française des Ingénieurs et Techniciens du Cinéma, et un autre le 15 mars 1957 au siège de la Cinémathèque française.

5 • Interview présente à la troisième minute d’une émission France Culture de 1975 (Qui est Alice Guy ?), animée par Claire Clouzot et Nicole Lise Bernheim, qui y interrogent plusieurs historiens de la période. Une émission passionnante à écouter, par ailleurs, pour prendre la mesure des tensions palpables qui opposaient déjà les féministes et historiens du cinéma sur le sujet.

7 • Ce constat, qui me semble très juste, est fait par José-Louis Bocquet, dans l’émission Alice Guy, une réalisatrice laissée hors champ (France Culture, 17 novembre 2021).

8 • Une idée défendue par Alison McMahan dans son livre-référence (Alice Guy Blaché : Lost Visionary of the Cinema, 2002). Elle aboutit notamment à ce constat (« the emphasis on one character’s psychological perspective ») en comparant les films d’Alice Guy aux plagiats qu’en faisait Pathé – sans que Zecca, même en recopiant les films au plan près, réussisse à y retrouver cette continuité du personnage principal (« the Pathe changes are motivated to punch-up the drama of particular scenes in their copy of a film that was already successful for Gaumont ; in the process the unity of character and narrative is weakened »). Elle cite notamment Tom Gunning qui, n’ayant en 1996 que certains films Pathé à disposition, en déduisait à tort un retard narratif de l’industrie française toute entière (« Tom Gunning pointed out that the Pathe film [La Mauvaise Mere, un remake du Fils du garde-chasse d’Alice Guy] did not privilege any one character. For Gunning, the film appeared to be about the boy whom the stepmother abused but at the end, the focus shifted to the father when he tried to beat his wife in retaliation. Gunning saw this as evidence of the retarded state of filmic narrative in France, compared to the unity of Griffith’s Biograph films just two years later »).

9 • Alison McMahan, repartant des inventaires de François Lacassin et de Victor Bachy, a fait un formidable travail de compilation et d’actualisation pour répertorier tous les films connus d’Alice Guy, et les réassocier à la numérotation du catalogue Gaumont. La liste est disponible sur son site aliceguyblache.com : vous y retrouverez la liste complète des films de la période Gaumont, ainsi que celle spécifiquement dédiée aux phonoscènes.

10 • Je réfère ici aux dix films programmés à la première séance Lumière publique du 28 décembre 1895 (et en de nombreuses occasions ensuite). Il semble en effet que L’Arroseur arrosé ne fut pas montré (ni n’était même encore tourné) à la première projection privée du 22 mars 1895 à laquelle Alice Guy avait assisté avec Léon Gaumont. Il est cependant improbable que l’un comme l’autre, si intéressés par les procédés cinématographiques, n’aient pas découvert ce film au cinéma ensuite.

11 • Il est un peu dur de trancher : le costume que porte Alice Guy à l’image (c’est elle qui joue le mari) pourrait aussi bien être celui d’un sans-culotte, aussi hors-propos que cela puisse paraître… Les trois films lesbiens d’Alice Guy font en effet étalage d’habits bizarrement caractérisés : un vêtement aristocrate du XVIIIè siècle pour Au bal de flore, une collerette XVIè siècle pour Les Fredaines de Pierrette… Tous ces vêtements et accessoires “du passé” (un relativement proche passé en ce tout début du XXè siècle) ressemblent au stock standard qu’on devait alors trouver dans les théâtres (un peu comme tout théâtre américain, à l’époque, devait avoir en stock un costume de cow-boy). Cet attirail, en ce sens, évoque presque plus “le théâtre”, comme on convoquerait son imagerie et son abstraction, que les époques historiques précises auxquelles il renvoie.

 

I / Premières années (1886-1905)
II / L’âge d’or chez Gaumont (1906-1907)
 

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