The Strangers Na Hong-jin / 2016

La vie d’un village de montagne est bouleversée par une série de meurtres, aussi sauvages qu’inexpliqués…

 

Devant le premier tiers de The Strangers (qui est pourtant le plus savamment mené du film), on a très franchement envie d’appuyer sur pause et de ne plus jamais lancer un seul polar sud-coréen. Du héros pleutre et balourd mangeant comme un porc, à ce plaisir complaisant du gore, en passant par ces mélanges de tons lourdingues qui sont devenus un véritable académisme, et jusqu’au comportement débile de la plupart des personnages, il n’y a rien ici qui ne soit pas irritant, déjà-vu et revu, depuis longtemps dénué du moindre enjeu.

Il n’est même pas question de codes, ou de références : à la limite, la façon dont ce film rejoue Memories of Murder (ruralité pluvieuse, hésitation du coupable…) sur un mode satanique n’est pas inintéressant. C’est plutôt cet entêtement à penser uniquement le cinéma comme une manière de montrer ses muscles en une série de tours de forces, et non comme un souci de trouver la note juste, qui énerve profondément – qu’importe la note puisqu’on ne fait que ressasser cette même vision torve du monde, cette même complaisance sentencieuse pour la violence, ces mêmes réflexes crâneurs… Une vision qui est celle de tout cinéaste sud-coréen de genre depuis 15 ans, et donc celle de personne.

Ce qui sauve The Strangers, ce n’est pas le naturalisme meurtrier crasseux qui faisait la singularité du précédent film de Na Hong-jin (survie viscérale, violence brouillonne – tout cela a disparu), mais plus simplement le glissement du récit vers un registre fantastique. La scène d’exorcisme notamment, qui se surprend à ne pas être une fête de gore et de violence, mais un jeu dialectique inattendu par les allers-retours du montage (que croire, que ne pas croire, de qui avoir pitié, contre qui exercer son sadisme), mène le film vers d’autres terres que celles du polar lambda.

C’est assez pour enfin s’attacher aux personnages et à leurs interrogations – notamment à leur incapacité à savoir vers qui projeter leur croyance, ce qui pose assez organiquement la question de la foi, partagée par un spectateur qui ne sait plus à qui accorder sa confiance, ou quelle lecture du récit adopter. Cela n’aura certes pas d’autres visées que d’envoyer le même spectateur jouer au whodunit et au recoupage d’indices sur internet après la séance (c’est la part la moins intéressante du film, celle qu’honore le petit twist final aux photos). Mais il s’en dégage aussi une dimension imagière forte de par sa nature bizarrement littérale, qui permet au moins d’imprimer quelques images en tête.

Gok-seong en VO.

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