Nostalgie de la lumière Patricio Guzmán / 2010

Au Chili, à trois mille mètres d’altitude, les astronomes venus du monde entier se rassemblent dans le désert d’Atacama pour observer les étoiles, car la transparence du ciel y est telle qu’elle permet de regarder jusqu’aux confins de l’univers. C’est aussi un lieu où la sécheresse du sol conserve intacts les restes humains : ceux des momies, des explorateurs et des mineurs. Mais aussi les ossements des prisonniers politiques de la dictature…

 

En visionnant Le Bouton de nacre, j’avais été frustré de découvrir un cinéma à l’identité magnifique (rythme rêveur, vagabondages de l’esprit, histoire récente et cosmos entremêlés), mais dont l’exécution me semblait passablement maladroite (artificialité visuelle, poésie ampoulée, propos surligné par la voix-off, interviews dignes d’un reportage lambda).

Avec Nostalgie de la lumière, film plus sobre mais aussi plus habité par l’émotion des témoignages, et tenu par une imparable unité (le décor du désert, qui fait très concrètement le lien entre le cosmos, les peuples passés et la dictature), le cinéma de Guzmán se déleste de ses défauts les plus sérieux. On pourra toujours tiquer sur le ressassement un peu kitsch d’images spatiales, évoquant quelque fond d’écran Windows, ou sur la volonté forcenée qu’a le réalisateur, en tant qu’interviewer ou à la voix-off, de faire des parallèles forcés entre le travail des astronomes et celui des archéologues.

Pour le reste, le film parvient à profondément toucher là où Le Bouton de nacre faisant déjà mouche : dans ce rythme cosmique, ce tempo apaisé de géant pacifique, qui crée une sorte de bulle protectrice autour du spectateur. Ce rythme, c’est celui des télescopes à la rotation ralentie, avançant aussi calmement que tourne la voute céleste, semblant imager la marche du temps lui-même – le tout face au désert, que le film nous fait expérimenter, et ce malgré les ossements qu’on y trouve, comme un espace désormais hors du temps (loin de la civilisation et des tracas politiques, loin de toute vie, ne corrompant rien, ne dégradant rien, ouvert sur des cieux bien plus vastes que les horreurs de l’histoire récente).

Ce rythme régulier, apaisé, fonctionne comme un fil rouge salvateur traversant tout le film (du pouls des souvenirs d’enfance du cinéaste, ceux d’un Chili tranquille de présent éternel, jusqu’à la respiration finale du nourrisson endormi, petit miracle échappé des années d’horreur de la dictature). Cette douceur générale permet de manier le traumatisme historique avec une infinie délicatesse, alors que Guzmán l’intervieweur, ou le narrateur, se montre parfois trop pressé pour y parvenir lui-même. Dans l’ensemble, le film est assez réussi pour qu’on ferme les yeux sur ses aspects les plus kitschs et volontaristes, et qu’on se laisse bercer par l’ampleur et le calme de son regard.

Nostalgia de la luz en VO.

Réactions sur “Nostalgie de la lumière Patricio Guzmán / 2010

  1. Je suis assez d’accord. Nostalgie est plus réussie par son approche un peu plus sobre que Le bouton de nacre. J’avais quand même beaucoup aimé Nostalgie de la lumière, plutôt touché pas son élan poétique, par son engagement politique et peut-être surtout son ambition se rapportant à la mémoire de son pays.

    Un fond d’écran Windows sur grand écran n’est plus tout à fait un fond d’écran et ne l’ai plus du tout avec le discours de Guzman par dessus. Je ne sais pas comment le réalisateur a fini sa trilogie. Je n’ai pas encore vu La cordillère des songes, si je me souviens bien du titre du dernier.

  2. Je me demande si le fond d’écran Windows tient pas aussi à une manière très spécifique de zoomer sur ces images trop nettes, en fondus enchaînés… Bon, c’est du détail. Le troisième film j’ai pas été le voir encore du coup, un peu peur après “Le bouton de nacre”… Sur la pile des 36976545 films à rattraper.

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