Légers spoilers.
J’attendais beaucoup de The Long Day Closes, film dont j’ai découvert l’existence il y a plusieurs années, mais que je n’ai pu visionner que récemment, à la faveur de sous-titres foireux. Peut-être est-ce le fait de toute cette attente, mais j’en ressors légèrement déçu.
Terence Davies reprend, presque telle quelle, la manière de Distant Voices, Still Lives : une exploration non pas du passé, mais de la matière des souvenirs (principalement faits de chansons d’alors), la mémoire se présentant à l’écran comme une série de visions, de moments épars et d’ambiances (notamment dans l’escalier, d’où la perception de l’enfant collecte les sons et les images), ou même de textures (jusqu’à l’extrême de ce plan de moquette, long et vide, à la lumière changeante du temps qui passe). Cette exploration de la mémoire, cette esthétique du souvenir faite de correspondances et de renvois cryptiques, déplie à l’écran un univers mental charbonneux, comme marqué par la prescience de sa disparition. C’est un monde dans lequel on pénètre par l’image d’un bouquet fané, et de ruines brûlées : son parfum de décomposition est indissociable du plaisir douloureux à replonger dans sa propre enfance.
À quelques raideurs près (travellings aux départs et arrivées un peu voyants, scènes à l’onirisme un peu forcé), le film fait parfaitement fructifier cette nostalgie noire, d’autant plus qu’il se construit cette fois autour de l’unité d’un regard d’enfant – et qui plus est d’un enfant solitaire, mutique, doublement renfermé puisqu’on le devine homosexuel (légère irréalité de l’école pour garçons, repli sur son monde intérieur, constante position d’observateur, fusion avec la mère qui clôt l’enroulement du film dans un passé utérin). La voix-off introductive de la Splendeur des Amberson, citée au son, dit bien le projet de mélancolie infinie de Davies, qui conçoit comme un mausolée aux temps de son enfance.
Cependant, même dans la courte durée d’1h25, le cinéaste peine à nourrir le feu de ces visions d’éléments concrets. Si ce film est plus uni et cohérent que Distant Voices, Still Lives, la caméra y flotte aussi parfois pour pas grand-chose – et à force d’effleurements, n’est plus très claire sur ce qu’elle poétise (cette amitié avec Albie par exemple, trop peu dessinée pour qu’on sente le déchirement du rejet ; ou cette évocation sociale embryonnaire liant d’un même travelling tous les espaces carcéraux de la vie prolétaire ; ou encore ce regard pas très clair sur le frère, resté à l’état d’ambiguïtés informulables). À force, la manière du film s’étale un peu à vide.
L’ensemble reste un essai précieux, mais qui laisse son projet intime à l’état de stase sans évolution, échouant souvent à émouvoir en profondeur, pour finir sur un final frustrant et un peu kitsch.
Une longue journée qui s’achève en VF.