Légers spoilers.
Dès les premières secondes – dès la musique so eighties d’Eric Serra, dès ces loubards rococo sortis de Starmania, dès ces policiers qui utilisent des mitraillettes – Nikita hurle combien il est daté.
La docilité de ce “cinéma du look” aux modes et normes de son temps, sa perméabilité à l’époque, s’étale chaque seconde à l’écran, de la transformation de l’héroïne devant son miroir en “femme pour séduire” (scènes semblant sortir d’une pub pour parfum) à ces visions urbaines désenchantées (marquées par la drogue et une imagerie punk redigérée), tout en lorgnant avec amour vers le film d’action américain… Tout y est. Plus généralement, ce sont les marottes de Besson qui ressortent ici toutes crues, son goût des trognes en grand angle, ses persos bêtes ou hystériques, ses femmes-enfants ou animales-idiotes. La couleur cartoon ou loufoque que ces manies donnent au cinéma d’action ne justifie pas tout, et on comprend sans mal en quoi la critique de l’époque a pu être horrifiée.
On comprend cela dit tout autant, devant ce film, en quoi Besson est malgré tout un cinéaste différent de la clique publicitaire dont il fut l’emblème. C’est tout le paradoxe que le talent de Besson ne tienne pas tant au “look” auquel on l’a rattaché (à la plasticité qui semblait alors définir son approche), mais à un rapport beaucoup plus essentiel au cinéma : chaque plan sert à quelque chose, toute image a un but, il y a un rapport organique entre les visées (aussi bêtasses soient-elles) et le pourquoi d’un cadre. La scène au restaurant en est un exemple imparable : de la découverte du pistolet à la fenêtre obstruée, jusqu’à cette chute dans une poubelle, tout parle (la désillusion et la trahison, la femme “utilisée” lancée aux détritus comme jetée dès sa mission remplie, le maquillage promettant une soirée romantique coulant en clown triste).
Et c’est pour cela que malgré la grossierté parfois inouïe des leviers dont le film use, il fonctionne, il a une sorte de cohérence et d’intuitivité qui le mènent au bout sans faiblir. On peut aussi apprécier, pour une fois, via Jean-Hugues Anglade et cette fin bizarrement sobre (que Besson, semble-t-il, n’appréciait pas tant que ça), que ce cinéma se frotte un brin à la simplicité et à l’ordinaire.