Le Garçon et le Monde Alê Abreu / 2013

À la recherche de son père, un garçon quitte son village et découvre un monde mécanisé…

Légers spoilers.
 

Dessin animé venu du Brésil, Le Garçon et le monde est l’un des très rares films d’animation récents ayant réussi à appliquer, dans le cadre d’un long-métrage, les formes et la narration propres au format court (ou tout du moins, à une grande partie d’entre eux). C’est-à-dire une narration muette et économe à la Tati, mêlée à un symbolisme mélancolique issu des courts animés d’Europe de l’est – le tout emballé dans une frénésie visuelle et expérimentale typique des écoles d’animation contemporaines (qui s’échinent à inventer un nouveau style par film, comme on leur taillerait chacun une robe).

Cette manière de faire du cinéma animé, dont on a maintes fois discuté les limites sur ce blog, se voit généralement compromise lors du passage au long, au contact de personnages qui ne peuvent désormais plus se contenter d’être de simples figures, ou face à des péripéties complexes qui obligent à sacrifier un peu de la pureté narrative. Dans Le Garçon et le monde, pourtant, aucune concession : abstraction, récit réduit aux stricts besoins de la parabole, primauté de la narration visuelle, absence de dialogue intelligible… Tout y est, intact.

Et on a beau connaître les défauts et académismes de ce modèle issu du court, c’est toute la qualité de ce film d’en tromper un peu le fatalisme. Ne serait-ce que parce qu’avant de tenir d’un regard distant (un regard fabulesque qu’on poserait sur le monde), cette forme quelque peu abstraite vient aussi traduire, et ce dès l’ouverture du film, le point de vue d’un enfant : son hyper sensibilité aux formes et aux couleurs, aux sons, au vivant, la plasticité et la vivacité d’un esprit naviguant encore sans mal entre la réalité et ses visions, l’absence d’échelle ou de notion du temps très stable… Résumable à une série d’atmosphères et d’humeurs, de perceptions colorées ou d’émotions, Le Garçon et le monde se présente d’abord comme un très singulier « simulateur de gamin ».

Certaines choses tirent néanmoins le film vers une pente plus convenue, à commencer par sa musique (très plate dans son rapport illustratif et béat aux péripéties, qui se retrouvent enfermées dans autant de petits cadres univoques et superficiels – moment joyeux, moment effrayant, moment ironique). Les prétentions politiques ou satiriques du chapitre urbain, si elles restent digestes tant qu’elles sont associées au point de vue naïf du petit personnage (les cargos monstrueux…), montrent tout de même vite leurs limites et les automatismes d’une vision du monde à l’indignation pré-mâchée (on se désole par exemple du travail aliénant, comme on se désole des machines venues y mettre fin…).

Cette pente moraliste s’achève dans un passage très bébête aux images réelles, qui enlèvent définitivement à ce tableau du monde ses habits fabulesques, qui pouvaient encore en justifier le manichéisme rond et la naïveté – le spectateur n’a alors plus devant lui qu’une dénonciation passablement gentillette. Dommage pour le film et pour ses autres ambitions (la jolie boucle des âges, la métaphore d’une vie). Rempli de belles qualités, Le Garçon et le monde reste singulier pour avoir su conjuguer les automatismes du court à un cadre bien plus ample, qui en renouvelle un peu les émotions et les sensations.

O Menino e o Mundo en VO.

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