Vanya, 42e rue

Vanya, 42e rue Louis Malle / 1994

La représentation de la pièce Oncle Vania de Tchekhov, dans un théâtre abandonné de New York.
 

C’est un coup à la John Huston. C’est-à-dire une filmo qui, des quelques films que j’en récapitule en comptant sur mes doigts, ne m’a au fond jamais convaincu : impression traînante de mollesse, d’un volontarisme trop visible dans le maniement des idées, d’une incapacité gauche à faire poindre la grâce. Et puis soudain, un dernier film évident, d’une humilité souveraine – un cinéaste qui épate par sa capacité à se faire totalement oublier, à ne jamais en rajouter, à ne plus rien avoir à prouver. Juste occupé à être à la bonne place, exactement posé là où il le faut.

On peut certes déceler des parti-pris, une appropriation. Il n’est pas difficile, par exemple, de voir en quoi le récit résonne avec l’humeur d’un réalisateur en fin de vie. On peut aussi observer les efforts d’acclimatation d’une pièce intimidante : flou sur la frontière entre les échanges d’acteurs et les répétitions, ronron familier de New-York qui résonne en sourdine entre les murs du théâtre, vertiges des adaptations en poupées gigognes (Tchekhov vu par Mamet vu par Gregory vu par Malle)… Mais au fond tout ça n’est que pacotilles, et on est assez démunis face à un objet constitué à 99 % de la pièce et de rien d’autre, n’essayant même pas de capitaliser sur l’étrangeté du décor. Qu’est-ce qui vient de la pièce, qu’est-ce qui vient des acteurs (excellentissimes, évidemment), qu’est-ce qui vient du réal et de parti-pris si évidents qu’on ne parviendrait pas à les voir ?

Bien incapable de démêler cela, et de savoir si Malle mérite ses lauriers, je noterais simplement que, ne connaissant pas Tchekhov, et découvrant ici de manière flagrante d’où le récent Winter Sleep tire son inspiration, je peux au moins pointer ceci : Louis Malle, lui, aime profondément les personnages qu’il filme. Il voit la beauté à travers leur aigreur, il n’a a aucun moment besoin de nous les faire détester, et ne nous donne jamais envie de quitter la salle, même au summum des prises de têtes atroces. Et quelle surprise alors de se sentir bien dans ce théâtre vide, bulle d’intimité suspendue au milieu de la cité agitée, comme une planque secrète sous la ville où l’on se retrouverait avec de vieux amis pour goûter le meilleur des vins.

Vanya on 42nd Street en VO. (F)

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