Raincoat Rituparno Ghosh / 2004

Mannu est sans emploi : il se rend à Calcutta pour emprunter de l’argent à d’anciens amis, afin de monter une affaire et remonter la pente. Entre deux visites, il se rend à la demeure de son ancienne fiancée, qui lui préféra un homme riche, et qu’il n’a pas vue depuis des années…

 

Je ne connaissais rien de Rituparno Ghosh – sinon Chokher Bali (2003), film vu il y a bien longtemps, dont j’ai tout oublié, et qui ne m’avait guère marqué.

Ghosh a une réputation d’auteur au sein du paysage indien fortement marqué par Bollywood : il serait l’héritier des cinéastes bengali indépendants (Satyajit Ray en tête), et tracerait une voie alternative au sein de l’industrie (dont il emploie les acteurs et actrices les plus célèbres – ici Aishwarya Rai). Et devant les premières scènes de ce film, on se dit que cette réputation tient de la fraude : on ne voit là qu’une espèce de compromis doublement perdant, où les conventions d’un certain cinéma d’auteur européen (dialogues filmés platement, situations démonstratives, pas de chansons ni de danses…) viennent rencontrer tout ce que le cinéma indien commercial a de plus superficiel (parure kitsch et reverb à fond, effets grandiloquents, psychologie simpliste).

Pourtant, assez rapidement, Raincoat séduit. Tout d’abord par sa narration assez singulière, en courts chapitres interrompus, comme un conteur reprendrait régulièrement sa respiration. Mais surtout parce que Ghosh fait le choix, très rapidement, de s’installer dans la maison de l’ancienne promise. Non seulement cela neutralise la dispersion du film (qui devient alors un drame “en chambre” si radical, y compris dans l’abstraction de ses petits rebondissements ou dans sa rhétorique, qu’on le pense adapté d’une pièce de théâtre – ce qui n’est pas le cas), mais ce décor obscur, bleu humide, débordant d’antiquités, crée aussi un cadre passionnant aux échanges. Qu’il exprime la solitude terrible d’une femme au foyer aisée et broyée d’ennui, ou d’autres choses plus glauques une fois le retournement du scénario advenu, il libère à chaque étape les capacités de la mise en scène, qui a enfin quelque chose à filmer.

On devine que le meilleur du film vient de la nouvelle littéraire dont il est adapté, mais Gosh sait en embrasser le potentiel, et en donner sa version personnelle – celle d’une rencontre qui sort du noir et de la dépression avant d’y replonger, comme pour une trêve factice et pourtant chaleureuse au sein du jeu social, le temps qu’une bougie se consume.

[extrait]

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