Memories Kōji Morimoto, Tensai Okamura, Katsuhiro Ōtomo / 1995

Un recueil de trois courts-métrages voguant entre science-fiction et surréalisme…

Quelques spoilers.
 

Memories est d’abord une plongée au cœur de l’âge d’or du cinéma d’animation japonais, dont toute la science se re-déploie ici fièrement : beauté des ambiances et des lumières, primauté de la mise en scène sur le tout-animé, ambition formelle (notamment ce long plan-séquence d’Ōtomo)… C’est une véritable capsule temporelle de l’époque où cette industrie était au plus haut de sa maîtrise, pas encore perdue dans les hésitations et errances kitschs des décennies post-Ghibli.

Néanmoins, passé ce plaisir des retrouvailles, on est en droit d’émettre quelques réserves. Le premier segment, Magnetic Rose, est le plus conventionnel dans son univers (un mash-up de deux grandes marottes de la japanimation : le space-opera et l’imagerie victorienne), ainsi que le plus cliché dans ses archétypes (femme glacée et létale). Mais il sait transcender ces académismes par une mise en scène évocatrice et délicate, qui ne dérape que dans ses dernières scènes, lorsqu’elle en montre ou explique un peu trop. On retrouve en tout cas déjà là, de la main du réalisateur qui signera plus tard le meilleur segment d’Animatrix (le court Au-delà), ce délicieux flirt entre SF, fantastique et poésie ; la présence d’une progression dramatique en fait également le segment le plus prenant du film.

Les deux autres segments, tous talentueux soient-ils, laissent davantage l’impression d’un surplace. Stink Bomb, satire de la vie d’entreprise japonaise à travers la figure d’un servile employé lambda, n’est qu’une fuite en avant vers toujours plus de catastrophes et d’hypertrophie, ce dont le film joue certes explicitement (c’est le segment comique du trio), mais dont la prévisibilité ennuie de fait assez vite – que ce chapitre ne puisse avoir qu’une blague comme destination finale dit bien ses limites. Le dernier segment enfin (Cannon Fodder), où la mise en scène d’Ōtomo expérimente à plein (l’utilisation d’un plan continu), et où l’on sort des canons graphiques de la japanimation mainstream par le choix d’un trait plus ingrat, reste un tableau satirique sans destination : c’est justement la description de la journée type, donc cyclique, d’un univers steampunk et bouffon en guerre – un tableau virtuose mais en soi pas très surprenant.

Au final, si les trois segments ont la qualité d’apporter chacun une approche différente au pot commun, ils restent marqués par un même goût du baroque, du chaos progressif et de l’exagération, qui peut donner l’impression que l’ensemble finit par radoter la même note. En ressort une légère impression d’ennui et de stérilité (le sort de tous les films-omnibus ?), quand bien même on y aura fait la parade d’un grand talent.

Memorîzu en VO.

Réactions sur “Memories Kōji Morimoto, Tensai Okamura, Katsuhiro Ōtomo / 1995

  1. Tiens j’ai revu Manie Manie y’a deux jours. Quand tu conclus sur l’ennui et la stérilité j’ai l’impression que c’est effectivement ça. Et c’est peux être inhérent au genre. Puisque que c’est systématiquement des projets montés autour de grands noms de l’animation qui n’ont du coup pour vision que la recréation ou la performance (Animatrix est d’ailleurs extrêmement pénible à revoir). L’omnibus Batman s’en sort peut-être mieux.

  2. Héhé, ton message me fait me rappeler que j’avais déjà reproché ça au dernier film d’animation japonais que j’avais vu…

    Mais oui, je pense que le genre (en tout cas quand il réunit différents réals) n’aide pas des masses. On verse forcément un peu dans “l’exercice” (de style). Je connaissais pas du tout les deux que tu cites cela dit (mais l’omnibus Batman, de ce que je vois sur google, c’est juste une BD du coup, pas une adaptation film ?).

    Et oui Animatrix quel gâchis et déception… A part Au-delà, donc, mais je me demande s’il ne ressortait pas tout simplement parce que le reste était médiocre.

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