La Cigarette Germaine Dulac / 1919

Lorsque Monsieur Guérande voit sa jeune épouse prendre des leçons de golf avec un playboy, il prend conscience de la grande différence d’âge entre lui et sa femme…

 

La Cigarette ressemble au négatif inversé de La Souriante Madame Beudet, tant thématiquement que formellement : pas trace d’avant-garde ou d’effets quelconques dans ce petit film (si l’on excepte un plan “musical” et quelques effets d’iris appuyés). Tout juste note-t-on une certaine précipitation du montage dans la première partie, peut-être due à l’état très endommagé de la copie, mais qui sied somme toute plutôt bien à cette héroïne enjouée (le rythme ralentissant en même temps que le mari dépérit).

Au-delà de la mise en scène tout à fait classique, c’est surtout un genre, celui du drame bourgeois mondain, et sa phobie centrale (le soupçon de tromperie), qu’adopte ici Dulac sans la moindre distance ironique. Et si l’on ferme les yeux sur l’orgie de cartons pas toujours nécessaires (longues explications finales inutiles), force est de constater que la réalisatrice est plutôt douée dans ce type de film qui semble pourtant à l’opposé du cinéma pour lequel elle militait. Le projet qu’elle déplie, renvoyant au ludisme des années 10 (poisons et suspense comme dans les Vampires, pitch fantasque comme chez les Danois), mais aussi au parfum des années 20 à venir (subtilité du jeu d’acteur, romantisme), souffrirait presque d’être une partition trop sagement, trop docilement jouée.

Le point de dissonance, et le plus intéressant, c’est évidemment cette momie posée au milieu du salon, visage émacié répondant à la jeunesse resplendissante de l’épouse (jusque dans un plan les plaçant côte à côte), comme un memento mori ou une vanité (au sens pictural) constamment posée là, tel le “ça” flippant et répugnant de la bourgeoisie, installé en évidence comme un lapsus au milieu des tentures de ces jolis salons. Dommage que le film exploite si peu la chose, et n’en fasse pas le noud central de sa mise en scène : en respectant tous les codes du drame bourgeois d’alors, Dulac fait un film aussi sympathique qu’un poil inconséquent.

 

Laissez un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués *

Vous pouvez utiliser les balises et attributs HTML suivants : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>