La Chanteuse de Pansori Im Kwon-taek / 1993

Youbong, chanteur de pansori célèbre, apprend à sa fille Songhwa l’art du pansori, et à son fils Dong-ho l’art de l’accompagner au tambour…

Quelques spoilers
 

D’Im Kwon-taek, je n’avais qu’un souvenir lycéen : la vision d’Ivre de femmes et de peinture (2002), découvert à un âge où j’étais incapable d’en saisir quoique ce soit de pertinent. Je me souviens avoir suivi alors avec un relatif ennui, quoique sans irritation, un film qui pour moi s’inscrivait d’abord dans la série de fictions asiatiques calmes et contemplatives qui commençaient à arriver en occident, ouvrant une décennie de célébration critique des cinémas est-orientaux.

C’est donc assez surpris que je découvre avec La Chanteuse de Pansori, quinze ans plus tard, un cinéma pas si éloigné de mon souvenir : sobre, calme, et relativement sec (trop austère, en tout cas, pour jouer la carte contemplative). Il y a peu d’épanchements, dans La Chanteuse de Pansori : la personnalité ignoble du père, la vie de pauvreté et de froid, ou de cabanes en ruines, les relations difficiles, créent un étau de douleur et de difficultés autour du seul cœur battant du film : le chant. L’attention qu’Im Kwon-taek arrive à nous y faire porter, la précision avec laquelle il prépare notre oreille à s’y rendre disponible, est assez saisissante, et tient sans doute beaucoup à cette absence d’élans lyriques et humains alentours, entaillant sévèrement l’expérience humaine et sensorielle de tout ce qui pourrait distraire l’art (même les grands panoramas naturels qu’on traverse ont quelques choses d’un peu abstrait, comme des estampes ou changements de décor d’un théâtre, servant d’abord à renvoyer l’écho des chants qu’on y répète).

À côté de ces récitals rigoureux, dont on apprend à apprécier la complexité, la partition originale du film qui se lance occasionnellement, très world music dans le style (on sent vraiment les années 90, leurs flutes orientales réverbérées et leurs synthés), apparaît bizarrement incongrue, comme cherchant notre émotion d’une manière plus superficielle et facile que le pansori. Mais c’est assez joliment que cette musique plus “commune” prend sens au final, lorsqu’elle devient la musique du petit frère – ce personnage plus simple, éprouvant des sentiments plus bêtement humains (soit de l’amour et de l’inquiétude pour sa sœur), jeune homme n’étant pas au niveau des exigences de l’art, et méprisé pour cela par son père, mais qui parvient à faire exister sa sœur au-delà du stradivarius qu’on a façonné en elle, au-delà de la figure martyre dédiée à la perfection du chant.

Entre ces deux enfants, le film trace une ligne qui semble infranchissable – et qui le restera, en un sens, dans ces retrouvailles qui prennent la forme d’un face-à-face, comme de part et d’autre d’un fossé par-delà lequel on se retrouve enfin, mais qu’on ne franchira jamais. « Le pansori n’a pas d’avenir  » dit-on dès les débuts au père, qui consacre sa vie à un art déjà périmé, détaché du présent de ses contemporains. Par l’excuse de décor ruraux (la famille allant de village en village), Im Kwon Taek filme ces personnages comme enfermés dans un passé ancestral, quasi-médiéval – alors que le frère qui s’en extirpe se retrouve lui à chercher sa sœur en bus, à utiliser le téléphone, à traverser des zones plus modernes, désenchantées, légèrement urbanisées. Entre lui et les flash-back, pourtant séparés de seulement quelques années, plusieurs siècles de différence semblent faire rempart, comme si la famille et le frère évoluaient dans deux univers parallèles et irréconciliables. L’une enfermée dans le sacerdoce d’une tradition musicale à perpétuer, comme on se ferait vestale ; l’autre ayant choisi de vivre.

Seopyeonje en VO.

Réactions sur “La Chanteuse de Pansori Im Kwon-taek / 1993

  1. Oui, je dois te remercier d’ailleurs, c’est à toi que je dois de lui avoir donné sa chance ! Je suis sans doute moins à fond que toi, mais ça m’a assez enthousiasmé pour que je récupère Chunyang en tout cas, je devrais pas tarder à me le mater.

  2. Je note ! Mais effectivement, en tout cas de ce que j’en vois en première recherche, il y a pas vraiment de copie correcte (sans même chercher de restau 4K).

    Si t’as d’autres réals coréens hors du polar violent des années 2000-2010, d’ailleurs, je suis preneur, je veux explorer (pour remplir mon site aux extraits (on se motive comme on peut !)).

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